Great Freedom, le regard de Sebastian Meise

Photo de tournage - GREAT FREEDOM de Sebastian MEISE

 

Dix ans après son premier long métrage Still Life, l’autrichien Sebastian Meise revient en force avec Great Freedom, dans lequel il expose le destin tragique des homosexuels dans l’Allemagne d’après-guerre. Inspiré de faits réels, le film narre la lutte du prisonnier Hans Hoffmann pour ses droits et sa liberté, dans un monde dystopique où l’amour est puni par la loi. 

Racontez-nous la genèse de votre film.

L’histoire est inspirée de faits réels sur des Allemands homosexuels qui ont été libérés des camps de concentration pour être finalement transférés en prison. Le personnage principal, Hans, représente les destins de ces individus, dont les relations et les histoires ont disparu. Ce monde dystopique, où l’amour est puni par la loi, nous a inévitablement fait penser à 1984 de George Orwell. Interdire d’aimer, cela revient à interdire de vivre. C’est pourquoi nous avons choisi de raconter cette histoire du point de vue d’un prisonnier. La prison constitue une boucle temporelle sans fin : les murs, les barreaux et les uniformes sont toujours les mêmes. Et comme dans une dystopie, les histoires de prison concernent toujours des personnes prises dans une lutte de pouvoir, à la fois physique et mentale. Ce film est à mi-chemin entre le drame carcéral et l’histoire d’amour. 

Quelle était l’atmosphère sur le tournage ? 

Nous avons tourné dans une prison abandonnée en Allemagne. C’était essentiel pour moi de filmer dans un endroit authentique, même si ça peut être épuisant comme c’était le cas ici. L’hiver était très froid, les cellules étaient exigües et moisies, et les distances dans le bâtiment étaient énormes. Cet environnement nous a mis dans un état d’esprit particulier qui a eu un impact considérable sur le film. 

Photo de tournage - GREAT FREEDOM de Sebastian MEISE

Photo de tournage - GREAT FREEDOM de Sebastian MEISE

Quelques mots sur vos acteurs ? 

Franz Rogowski et Georg Friedrich sont passionnés par leur métier. Franz a perdu douze kilos entre la première et la deuxième partie du tournage. Quant à Georg, il se rendait au maquillage tous les jours à cinq heures du matin pour que l’on couvre son corps de tatouages et de coups de bâton. Les deux s’investissent beaucoup dans ce qu’ils font, ils sont extrêmement précis et exigent que j’en fasse de même. Bien avant la fin de l’écriture du scénario, je n’avais que ces deux acteurs en tête et je n’aurais pas pu faire ce film sans eux. Je savais qu’une énergie unique allait naître entre eux, et c’est ce qui est finalement au cœur du film. 

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce long métrage ?

J’ai appris à lâcher prise. Ce film a été très difficile dès le début. Le départ du directeur de la photographie puis de son remplaçant avant le tournage m’a totalement désespéré, au point où je pensais que nous devrions tout laisser tomber. Quand nous avons enfin commencé à tourner, nous étions déjà épuisés. Il y a ensuite eu la crise sanitaire, qui a interrompu le projet prématurément, avant de pouvoir le reprendre en été. Finalement toutes ces énergies correspondent parfaitement à l’histoire. Le film se déroule dans plusieurs espaces temps et chaque épisode reflète l’état dans lequel nous étions. Je ne crois pas au destin mais je pense que si l’on reste ouvert et que l’on accepte les circonstances dans lesquelles nous sommes, alors réaliser un film peut être vraiment magique.