Mediterranean Fever, le regard de Maha Haj

Photo du film MEDITERRANEAN FEVER de Maha HAJ © Luxbox

Mediterranean Fever est l’histoire d’une rencontre, celle de Waleed, 40 ans, écrivain et père de famille souffrant de dépression, avec son voisin Jalal, escroc à la petite semaine. Avec cette histoire d’amitié sur le fil, la réalisatrice palestinienne Maha Haj signe un second long métrage au Certain Regard, après Personal Affairs en 2016. 

Quelle est la genèse de ce film ?

Je suis une réalisatrice profondément mélancolique, mais dotée d’un certain sens de l’humour. C’est ainsi que j’ai pu écrire ce film noir, Mediterranean Fever, sur Waleed, un dépressif chronique qui aspire à devenir écrivain. Par le biais de ce personnage imaginaire, j’ai poussé à leurs extrêmes des pensées qui peuvent m’être familières. Je connais intimement sa personnalité et son caractère. J’ai ainsi tourné en dérision mon propre côté sombre à travers un homme qui me ressemble en certains points, tout en étant différent de moi. En jouant avec les grandes questions sur la vie et la mort, j’ai poussé Waleed à des extrêmes que je n’aurais jamais osé atteindre moi-même. 

Mon film précédent, Personal Affairs, parlait de l’identité des Palestiniens qui habitent en Israël, en Cisjordanie et en exil. Les personnages étaient emprisonnés, frustrés et désespérés du fait de la complexité de leur existence en tant que Palestiniens. Ces mêmes sentiments de réclusion et d’expropriation, Waleed, un habitant Palestinien israélien de Haïfa, n’y échappe pas non plus. 

Un mot sur vos personnages ? 

J’ai choisi de me focaliser sur un seul personnage et d’exprimer la dépression à l’échelle de l’individu, et non à l’échelle de la société. La vie de Waleed pourrait paraitre réconfortante et désirable pour la plupart des gens . Et pourtant, et ceci rejoint ma compréhension personnelle de la dépression, quelque chose de profond, de sombre de d’inconnu manque toujours. Finalement, Waleed atteint un point de non-retour et décide de devenir le seul maitre de son destin. Il prend la décision de mettre fin à ses jours, de manière à camoufler son suicide en mort naturelle, car le père aimant qu’il est toujours n’a pas perdu son sens des responsabilités. 

Au personnage de Waleed j’oppose celui de Jalal, un petit voyou optimiste, plein de vie, qui a bien trop les pieds sur terre pour sombrer dans la dépression. Il est le contraire de Waleed, si bien que de leur rencontre naît une dimension comique qui éclaire l’histoire ténébreuse de Waleed. Le partage de leurs deux mondes opposés donne de la profondeur aux personnages et fait émerger une solution à leur crise existentielle. 

Quel lieu de tournage avez-vous choisi ? 

Un tiers de la population d’Haïfa est palestinien. Une partie de ses quartiers reste négligée et délabrée, et cela depuis le début de l’occupation en 1948, tels que les quartiers de Wadi Salib, Wadi Nisnas ou encore Halleesa. Nous avons tourné dans ces endroits afin de montrer le côté palestinien de la ville. Le tournage a eu lieu en automne pour s’ancrer davantage dans l’atmosphère tourmentée de la région, avec ses ciels gris et nuageux, et sa mer orageuse. Cette atmosphère mélancolique et ces couleurs participent au désespoir et à la dépression de Waleed.