Orson Welles dans les yeux de Mark Cousins

Photo du film The Eyes Of Orson Welles (Les yeux d’Orson Welles) © DR

Le réalisateur britannique Mark Cousins brosse un portrait inédit d'Orson Welles au travers d’une centaine d'œuvres inconnues du cinéaste. Conté comme une longue lettre adressée à l'auteur de Citizen Kane, Les yeux d’Orson Welles révèle la force créatrice d'un des plus grands penseurs visuels du 7e Art.

Que représentait Orson Welles pour vous avant de réaliser ce documentaire ?

Comme beaucoup de cinéphiles, je l'ai toujours admiré. Je me souviens avoir découvert Touch of Evil à la télévision. Je n'étais encore qu'un petit garçon et ce film m'avait littéralement scotché à l'écran. Orson Welles incarnait le génie du cinéma baroque, il était son Michel-Ange. C'est l'un des plus grands penseurs visuels du XXe Siècle ! Quelques temps après sa mort, je lui ai écrit une longue lettre dans laquelle j'imaginais voyager avec lui dans le monde entier. J'ai toujours pensé qu'il serait difficile de révéler quelque chose de nouveau à propos de son œuvre car tout est déjà au Panthéon.

Comment avez-vous finalement découvert qu'il restait des secrets à exhumer ?

Il y a quelques années, j'ai rencontré sa fille Beatrice lors d’un festival. Elle m'a demandé si l'idée de mener un projet de film basé sur la centaine de dessins, croquis et peintures de son père – qu'elle conserve précieusement à son domicile – pouvait m'intéresser. L'entendre évoquer ces œuvres d'art et leurs anecdotes m'a convaincu que je tenais peut-être là une porte d'entrée inédite vers l’œuvre d'Orson Welles. Je me suis donc rendu aux États-Unis chez Beatrice et j'ai filmé une partie d'entre-elles.

Qu'est-ce qu'elles révèlent de l'homme qu'il était ?

Je n'ai jamais rencontré Orson Welles, mais il suffit de s'intéresser de plus près à son trait de crayon pour se rendre compte qu'il était doté d'une force créatrice sans limites. Ceux qui l'ont connu peuvent probablement l'affirmer mieux que moi, mais j'ai l'impression que Welles était une sorte de feu d'artifice. Je me suis nourri de cette énergie durant mon travail. Ses œuvres regorgeaient de vitalité et d'humour. On pouvait y distinguer toute l'ampleur de sa pensée visuelle.

Vous vous adressez à Welles d'une manière très poétique…

J'ai choisi de raconter cette histoire en m'adressant directement à Welles pour créer une intimité. C'est aussi pour cette raison que je le vouvoie. C'était pour moi l'équivalent d'un contact visuel. Le procédé peut paraître un peu risqué, mais lorsqu'il fonctionne, c'est engageant et très poétique. Je voulais à tout prix éviter l'approche traditionnelle du documentaire.

Comment avez-vous préparé sa réalisation ?

Je suis allé visiter les lieux qu'Orson Welles aimait et j'ai tenté de comprendre pourquoi. L'Amérique, l'Espagne, l'Italie, le Maroc, l'Irlande… J'ai en quelque sorte cherché à voir à travers ses yeux. C'était un peu comme un pèlerinage. Comme pour lui, ces voyages m'ont permis d'attiser les feux de mon imagination visuelle.

Un mot sur le montage du film ?

Comme je le fais souvent, j'ai d'abord bâti un livre d'images, puis griffonné des idées de script sur chacune d'elles. Durant le montage, Timo Langer et moi étions entourés de photocopies d'œuvres d'art d'Orson Welles, classées selon la structure du film. Chaque matin, durant 1h30, j'écrivais le script des images du jour, puis Timo les montait. J'avais depuis longtemps gardé dans mon tiroir l'idée d'un film basé sur les pièces d’un jeu d’échec. J'ai très vite réalisé que ce documentaire pourrait s'appuyer sur cette structure.