Conférence de presse : « Chacun son cinéma »

Conf Chacun2 © AFP

En ce jour anniversaire du 60e Festival de Cannes, la plus prestigieuse des conférences de presse a été organisée, réunissant devant la presse internationale
une grande partie du collectif de réalisateurs de Chacun son cinéma. Avaient répondu à l’invitation de Gilles Jacob : Theo Angelopoulos, Olivier
Assayas, Bille August, Jane Campion, Chen Kaige, Michael Cimino, Joel et Ethan Coen, David Cronenberg, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Manoel De Oliveira, Raymond Depardon, Atom Egayan, Amos
Gitaï, Hou Hsiao Hsien, Alejandro Gonzalez Iñarritu, Aki Kaurismäki, Abbas Kiarostami, Takeshi Kitano, Andrei Konchalovsky, Claude Lelouch, Ken Loach, Nanni Moretti, Roman
Polanski, Raul Ruiz, Walter Salles, Elia Suleiman, Tsai Ming-Liang, Gus Van Sant, Wim Wenders, Wong Kar Wai, et Zhang Yimou. Extraits rapportés.

Andrei Konchalovsky sur la difficulté de l’exercice : « Il est plus difficile de faire un court-métrage qu’un long. Parce que chaque image a plus de valeur,
dans la mesure où l’on en dispose de si peu pour conter une histoire. Chaque image est sans prix, par conséquent chaque image doit avoir sa place. Pouchkine, grand
poète russe, a écrit dans une longue lettre : « Excusez-moi, je n’ai pas eu le temps d’écrire une lettre brève. »

Walter Salles sur sa vision du cinéma : « S’il y a une seule leçon à retenir de ce film, c’est de considérer le cinéma comme une
aventure collective, dont on peut apprendre les uns des autres. Le cinéma est justifié que s’il est fait collectivement et vu collectivement. (…) Je crois qu’il
faut célébrer l’essentiel que représente ce Festival : Cannes est un réservoir d’auteurs, un lieu de résistance. C’est très important
à mes yeux : plus de films seront produits, plus les festivals comme Cannes seront importants. »

Takeshi Kitano sur l’expérience de Chacun son cinéma : « J’ai pensé que faire un film de trois minutes allait correspondre à
un budget réduit et à des efforts moindres par rapport à un long-métrage. Finalement, ça m’a pris autant d’énergie que pour un long, ce fut
aussi épuisant. »

Roman Polanski sur sa vision des courts-métrages : « Mon concept de base n’a pas changé. J’exprime ce que je veux plus rapidement. Ce qui est le plus
important dans un court-métrage, c’est la présence d’un début et d’une fin. Dans la plupart des courts que je vois – et j’en vois beaucoup -, cela
ressemble à la bobine d’un long-métrage, c’est assez perturbant. J’ai le sentiment qu’un court-métrage doit être autonome, ne doit pas
s’intégrer à autre chose. Il doit exprimer une idée en très peu de temps. Il vous faut trouver un moyen de transmettre à votre public ce que vous avez
à l’esprit. (…) Je voulais dire aussi qu’il n’y a qu’un seul homme capable de nous réunir tous ensemble de cette façon, c’est Gilles
Jacob. Je voudrais le remercier et lui dire bravo ! »

Jane Campion sur la représentation des femmes dans ce collectif : « Je suppose que mon film est un hommage à Buñuel. C’est un film un peu féministe,
qui reflète malheureusement la situation actuelle dans tous les pays. La manière dont on voit le monde est imposée par les hommes, le point de vue féminin est
plutôt laissé à l’écart. (…) C’est curieux d’être seule parmi cette équipe de football. Les hommes qui sont présents ici
aimeraient bien qu’il y ait davantage de femmes réalisatrices. Je crois que la vision de la femme est extrêmement important pour l’humanité. Nous sommes
intuitives, belles, nourricières, et je pense que le monde serait plus en sécurité s’il y avait plus de conscience féminine. »

Alejandro Gonzalez Iñarritu sur ses intentions artistiques avec Chacun son cinéma : « C’est un honneur pour moi de faire partie de ce groupe de
cinéastes ; j’en admire beaucoup. Le thème que j’ai traité est une extension de ce que j’ai déjà exploité dans
Babel. Comme le disait Andrei Konchalovsky, cet exercice de trois minutes est très difficile. On peut comparer un long-métrage à un combat de boxe que
l’on peut gagner aux points, en douze ou quinze rounds. Dans un court-métrage, il faut gagner par KO. Il ne doit pas y avoir une seconde inutile. J’ai voulu explorer la
façon dont le cinéma peut nous aider à dépasser nos limites physiques. Notre expérience sensorielle du cinéma nous permet d’aller plus loin,
c’est une expérience spirituelle. »

David Cronenberg sur l’avenir du cinéma : « Je ne sais pas ce que le cinéma va devenir. Je crois que son format tel qu’on le connaît et qu’on
aime appartient déjà au passé. Je ne sais pas si je suis sombre ou pessimiste… Mais je pense que les jeunes qui grandissent au milieu de toute cette technologie
actuelle vont y trouver des choses passionnantes, intéressantes, mais le cinéma sera différent. Il ne peut pas survivre tel qu’il est, je crois même qu’il
a déjà disparu. »

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