Conférence de presse : la World Cinema Foundation

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A l’occasion du lancement de la World Cinema Foundation, association à but non lucratif fondée par Martin Scorsese et visant à apporter un soutien financier à la
restauration et à la diffusion des films du monde entier, et plus particulièrement d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe centrale, les
cinéastes participant à cette initiative était réunis en salle de conférence de presse pour répondre aux questions des journalistes. Etaient
présents Souleymane Cissé, Alfonso Cuarón, Ahmed El Maanouni, Fatih Akin, Gianluca Farinelli, Ermanno Olmi, Walter Salles, Martin Scorsese et Wong Kar Wai. Extraits choisis.

Martin Scorsese sur les origines de la World Cinema Foundation : « Ceci remonte au lancement de la Film Foundation aux Etats-Unis avec moi-même, Spielberg, Lucas, Pollack,
Coppola, Eastwood et puis d’autres. On s’est rendu compte qu’en combinant nos influences en tant que cinéastes, on pouvait mettre la pression sur les studios et
d’autres organismes. Il y a beaucoup de films qui ont été négligés et certains ont perdu leurs droits, ils sont devenus orphelins. En 1990, on a donc
créé une autre façon de penser le patrimoine cinématographique américain. Depuis 17 ans, les choses se sont améliorées en matière de
préservation et de restauration des films. Pendant ce temps-là, Ermanno et moi nous sommes demandé si on ne pouvait pas faire la même chose sur le plan international,
surtout avec des pays qui n’ont pas la capacité d’avoir le soutien et le financement nécessaires pour restaurer certains films (…) Depuis quelques
années, on se dit que ce serait bien d’utiliser l’influence des réalisateurs mondiaux pour trouver ces financements. C’est ce genre de détermination, ce
type d’obstination dont nous avons besoin. Il faut que les cinéastes fassent preuve d’une certaine ténacité, d’une certaine obsession. »

Martin Scorsese sur le mélange des cultures : « Provenant de la classe ouvrière à New York, mes parents n’étaient pas instruits et je n’avais
pas l’habitude de lire des livres. Alors, j’ai vu beaucoup de films à la télévision et je me souviens avoir appris des choses sur l’Inde à partir
des films de Satyajit Ray. Et cela m’a ouvert tout un monde. Beaucoup de réalisateurs ont été nourris par des films américains, britanniques, italiens,
coréens, nord-africains. Ce phénomène d’interaction entre les cultures pourrait ainsi déboucher sur un nouveau type de cinéma. Ca existe
déjà ici, à Cannes. Grâce au cinéma, on se familiarise davantage avec les autres cultures, ce qui peut amener à une meilleure compréhension
politique des choses. »

Souleymane Cissé sur le fonctionnement de la World Cinema Foundation : « La Fondation n’est pas encore née, mais il y a déjà une dizaine de titres
qui nous ont été proposés. Il y en a de tous les continents, des films chinois, des films mexicains, des films indiens, des films coréens. Je pense qu’il y
aura un mécanisme un peu naturel. Les projets arriveront naturellement à la Fondation, il y aura des metteurs en scène qui améneront des films représentant
leur propre culture, l’identité de leur propre pays. »

Walter Salles sur l’idée d’identité culturelle : « Il y a une phrase qu’ont dite le producteur de Glauber Rocha et son directeur de la photographie :
« Un pays sans une histoire du cinéma, c’est comme une maison sans miroir ». On comprend très vite que le problème de la conservation des films est un
problème de la conservation de l’identité culturelle, de la pluralité et de la diversité culturelle. »

Souleymane Cissé sur la préservation des films africains : « Cette Fondation représente un grand espoir en Afrique, parce que nous nous rendons compte de tous les
problèmes que le continent africain connaît (…) Dans beaucoup de pays, il n’y a pas de préservation des films. Nous avons organisé un festival en plein
cœur de l’Afrique et nous avons invité Serge Toubiana qui est le directeur de la Cinémathèque française. On l’a amené pour discuter de la
préservation des films. Je voudrais par ailleurs dire que Martin Scorsese est une personne qui a beaucoup d’humanité et une certaine prévoyance. Nous
l’accompagnerons dans ce combat, parce qu’il en est de notre survie. Si dans 15 ou 30 ans, nos films ne sont plus visibles, et bien nous n’existerons plus. »

Wong Kar Wai sur son travail avec le service des archives de Hong Kong : « En Chine, les films antérieurs à 1949 sont bien conservés. Le gouvernement chinois a
fait un excellent travail en la matière. C’est peut-être une habitude chinoise de garder les choses. Beaucoup de négatifs ont été préservés
dans des endroits sûrs. On a essayé de restaurer des films anciens datant du tout début du cinéma chinois. Il y a une chose qui m’a comblé de bonheur,
c’est que l’un de mes films chinois favoris, Springtime in a Small Town, était restauré et en plus avec professionnalisme (…) Il y a quelques
années, je suis allé à San Francisco, parce que les anciens films de Hong Kong y étaient projetés un peu partout dans les quartiers chinois. Et on s’est
rendu compte qu’à côté de San Francisco, il y avait un bâtiment dans lequel on préservait des centaines de films chinois, dont on ne savait même pas
qui étaient les ayant droits. Nous avons essayé de travailler avec le service des archives cinématographiques de Hong Kong pour que tous ces titres retournent à Hong
Kong. Et si on pouvait collecter quelques fonds, on pourrait en restaurer un certain nombre. »

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