Leçon de musique : Howard Shore

Leçon de Musique - Howard Shore et David Cronenberg © Anne-Laure Bigot

Après Christopher Doyle en 2005 et Alexandre Desplat en 2006, c’est au compositeur Howard Shore que revient l’honneur d’animer cette nouvelle Leçon de musique. Ayant
collaboré avec des réalisateurs aussi talentueux que Peter Jackson, Martin Scorsese, James Gray ou Tim Burton, ce créateur était accompagné pour l’occasion de
son fidèle complice, le cinéaste David Cronenberg. Ces deux hommes, à qui l’on doit l’un des univers les plus envoûtants du cinéma international sur des
esthétiques ou des combinaisons orchestrales sans cesse renouvelées, ont notamment évoqué la relation de travail qui les lie. Morceaux choisis.

Howard Shore sur sa façon de composer : « Travailler sur la musique d’un film est d’abord une question de coopération. Seul l’ouvrage, le script
compte. La musique n’arrive qu’ensuite. C’est le scénario qui m’inspire la musique (…) Je fais également des recherches sur les films sur lesquels je suis amené à
travailler. Puis je mets toute cette documentation de côté et je ne la ressors plus. J’exprime alors, via la musique, ce que je ressens profondément, ma réaction
émotionnelle à l’histoire (…) J’aime aussi travailler de façon intuitive. »

Howard Shore sur les étapes de composition et d’orchestration : « J’exprime mon idée musicale à travers la composition et je la mets en pratique
à travers l’orchestration. Durant cette phase, j’élimine tout ce que je ne veux pas entendre, et c’est à partir de là que tout débute. Je cherche alors la
prise idéale, le rythme parfait en espérant que la magie aura lieu. »

Howard Shore concernant la musique du Seigneur des Anneaux : « J’aime la notion de scénariste musical. La musique est le prolongement de la
narration. Sur Le Seigneur des Anneaux, elle joue un rôle essentiel, car le livre est complexe et elle a permis de raconter l’histoire de manière plus claire.
Même ceux qui avaient lu le livre ont eu, grâce à la musique, une nouvelle façon de penser cette histoire. En cela, la musique permet d’éclaircir la narration.
»

Howard Shore concernant la musique d’Aviator : « J’ai introduit des références à la musique espagnole, car la plupart des
scènes se déroulent en Californie, une région à la base hispanique. Des rythmes de mambo, de tango ont été introduits pour exprimer cette culture
hispanique. »

Howard Shore concernant la musique d’Ed Wood : « A la fin des années 50, la musique afro-cubaine était à la mode.
C’était une période fantastique, où on regardait des séries comme « I Love Lucy ». J’ai voulu redonner vie à cette époque. C’est la raison pour laquelle
on retrouve des rythmes cubains dans Ed Wood. J’ai dédié cette musique à Henry Mancini, car il était malade et n’avait pas pu composer la musique du
film. Ce fut très amusant à faire. »

David Cronenberg sur le début de sa collaboration avec Howard Shore : « A l’époque de Scanners, Howard n’était pas cher, et moi non plus
d’ailleurs. Pour moi, le choix était évident, c’est quelqu’un que je connaissais depuis très jeune. Pour la scène de confrontation finale, il me fallait une musique
intérieure un peu étrange, et Howard s’en est très bien sorti . »

David Cronenberg sur la musique de La Mouche : « Il y a cette scène où le personnage infecté, joué par Jeff Goldblum, marche seul dans la
rue. A ce moment-là, la musique est très forte. Mel Brooks, alors producteur du film, m’a demandé pourquoi le son était aussi fort. Je lui ai répondu :
« Parce que cette personne est sur le point de rencontrer sa destinée. » Cet argument a plutôt bien fonctionné. »

Howard Shore sur la musique de Crash : « Pour moi, Crash est un film unique avec un sujet unique. Pour la musique, j’ai d’abord eu
recours à deux harpes. En constant que ça ne suffisait pas, j’ai utilisé une troisième harpe et j’ai amplifié le tout avec des guitares
électriques. C’est ce qui donne ce son métallique. Il fallait mettre l’accent sur la relation entre le métal et la sensualité. Cette expérience
acoutisque avait quelque chose d’expérimental. »

Photo Copyright Anne-Laure Bigot