Rencontre d’ouverture « Cinéma : vers le public de demain »

En ouverture de son 60ème anniversaire, le Festival de Cannes s’est fait lieu de débats sur le cinéma de demain en proposant un moment de réflexion sur les
enjeux de la prochaine décennie liés au développement des technologies numériques. Des professionnels du cinéma et des nouveaux médias, des journalistes
et des sociologues ont ainsi débattu, ce mercredi 16 mai après-midi, Salle Buñuel, de cette mutation de grande ampleur à laquelle se prépare le Septième
Art, de l’évolution des pratiques des spectateurs et des liens entre création cinématographique et nouvelles plateformes de promotion et de diffusion. Ils se sont
également interrogés sur l’impact que peut avoir le mode de diffusion sur la valeur que l’on donne à une œuvre cinématographique.

Après un mot de bienvenue adressé par Catherine Démier, Directrice générale du Festival de Cannes, Philippe Dana, journaliste à iTélévision
et Canal +, a présenté ITV, le film d’introduction de la Rencontre réalisé par l’agence CAPA. Puis plusieurs intervenants se sont succédé
pour traiter des différentes questions abordées lors de cette conférence. Michael Gubbins, editor de Screen International, a ainsi eu l’honneur d’ouvrir la
Rencontre avec le thème « Le numérique à l’ère de la mondialisation », mettant l’accent sur le caractère irréversible de telles
transformations et démontrant qu’il était possible de tirer profit d’une telle révolution. Adrian Sexton, Executive Vice-President Digital de Participant
Productions, a, quant à lui, présenté les changements engendrés par le nouvel environnement numérique, de la création à la distribution, en
passant par le marketing, et a évoqué la manière dont les créateurs pourraient exercer plus de contrôle sur leurs œuvres et diminuer leurs coûts de
production, tout en séduisant le public 2.0.

Danah Boyd, ethnographe et chercheuse sur les réseaux communautaires, s’est pour sa part interrogée sur l’impact des nouveaux médias et du Web 2.0 sur le
cinéma — tant au niveau de la production, de la distribution que de ses publics. Elle a commenté la manière dont, à chaque niveau, la technologie affecte la
pratique et a discuté des effets sur le cinéma de l’arrivée des réseaux communautaires comme MySpace et YouTube. « Les adolescents d’aujourd’hui mettent
sur leurs blogs les images des films dans lesquels ils se reconnaissent comme autrefois ils accrochaient des posters sur leurs murs », a-t-elle déclaré. « Ils n’ont pas
le sentiment de voler des images. Pour cette génération, il est complètement normal de jouer avec les contenus des films et de les échanger sur internet. Internet est
devenu le lieu de leur socialisation comme l’étaient autrefois les sorties entre amis au cinéma », a-t-elle poursuivi.

La Salle Buñuel s’est par ailleurs fait le théâtre d’une discussion modérée par Colin Brown, rédacteur-en-chef de Screen International, sur
l’évolution du rôle des réalisateurs, producteurs et distributeurs face aux mutations rapides du paysage numérique et sur les nouvelles perspectives offertes aux
créateurs et aux spectateurs. Le mot de la fin est revenu à Emmanuel Ethis, sociologue du cinéma et de ses publics, pour qui « tout nouveau mode de pratique du
cinéma, pour perdurer, doit se concevoir avant tout comme un art subtil du rendez-vous ». « Parce qu’ils permettent de proposer aux cinéphiles une offre
individualisée, les supports numériques participent également à une segmentation croissante des spectateurs », a estimé Emmanuel Ethis. «
L’idée de grand public au cinéma est en train d’éclater », a-t-il affirmé. « Autrefois, on se devait de connaître un éventail de films de
référence. Cette contrainte a disparu au profit d’une spécialisation de plus en plus poussée des spectateurs autour d’un genre cinématographique, comme
l’illustre la multiplication des sites internet thématiques. »

Les conclusions de cette rencontre seront rapportées aux Ministres de la Culture européens qui aborderont, le samedi 26 mai, le volet politique de ces questions lors de la
5ème Journée de l’Europe.

Photo Copyright Anne-Laure BIGOT