L’Autre monde de Gilles Marchand

Scénariste et réalisateur français, Gilles Marchand présente son deuxième long métrage à Cannes, en Séance de minuit.

Son premier film, Qui a tué Bambi avait été présenté Hors Compétition en 2003.

Dans l’Autre monde, il explore le monde des jeux vidéo, une thématique également abordée dans RU There ? et Chatroom. Entretien exclusif.

Deux films, deux films hors compétition à Cannes… Vos films sont-ils trop atypiques pour la compétition ?
Je ne devrais peut-être pas dire ça parce qu’un réalisateur devrait souhaiter être en Compétition, mais je pense que ça me ressemble et que ça ressemble au film d’une certaine manière. Quelque chose d’un peu atypique, peut-être, ou de festif à la manière du cinéma, frissonnant aussi… En tout cas, j’aime beaucoup cette place de la séance de minuit, ça me va très bien.

Etes-vous amateur de jeux vidéo ?
Je ne suis pas un vrai « gamer ». Mais en jouant, j’ai eu des sensations, que je trouvais intéressantes à explorer. Les univers virtuels, les réseaux sociaux disent beaucoup de choses de nos désirs, de nos peurs. Pour moi, dans les jeux, il y a une expérimentation de la vie, un peu comme au cinéma. A 20 ans, je passais mon temps  dans les salles obscures pour voir des choses parfois sombres et dures, alors que je vivais à Marseille dans un monde plutôt heureux et lumineux.

Comment avez-vous articulé le monde réel et le monde virtuel ?
Le monde virtuel est réalisé en animation, mais il est tout à fait intégré dans la narration. Le personnage de Gaspard est entre deux mondes parce qu’il est entre deux femmes. Alors qu’il s’engage dans une histoire, il est très troublé  par une autre femme dont il pense qu’elle évolue dans un jeu en réseau, et il utilise ce moyen pour l’aborder. C’est aussi naturel qu’un coup de téléphone.

Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien) est à le fois co-scénariste et conseiller à la mise en scène.  Quel a été son rôle sur le tournage ?
Essentiel. Lui et moi avons un peu la même place sur les films de l’autre, mais on s’apporte des choses différentes. Là où il m’apporte beaucoup, c’est sur le découpage, la place de la caméra. Une des difficultés de la position du réalisateur est d’être seul face à une équipe qui attend. Le fait de parler ouvertement de questions de mise en scène sur le plateau, d’abord ça me détend (rires) et ça nourrit aussi le reste de l’équipe. Avec Djibril Glissant, qui a réalisé les séquences en animation, on dialoguait aussi beaucoup. Parfois, je me disais "mais je ne sais rien faire d’autre que de parler aux gens", mais ce n’est pas rien non plus…

Avez-vous envie de continuer à être à la fois scénariste et réalisateur ?
Oui, je prends énormément de plaisir à travailler sur les projets des autres. Quand on fait ses propres films, on se visite soi-même et on touche forcément à ses limites. Pour moi, il y a dans la visite des univers des autres quelque chose d’extrêmement enrichissant et excitant. Sur mes propres projets, il y a quelque chose de plus douloureux, même si j’en tire aussi du plaisir.

Propos recueillis par B. de M.