A la mémoire de Laurent Cantet

© Alberto PIZZOLI / AFP

Avec une immense tristesse, le Festival de Cannes vient d’apprendre le décès du réalisateur et scénariste français Laurent Cantet dont l’œuvre cohérente et humaniste dessine un cinéma sensible, à fleur de peau et à fleur de société.

Dès son premier long métrage, Ressources humaines (2000), Laurent Cantet utilise la caméra comme un outil d’analyse de la collectivité et de la façon dont elle façonne les relations humaines, dans les sphères publiques et privées. L’Emploi du temps (2001), inspiré de Jean-Claude Romand, et Vers le Sud (2005), sur le tourisme sexuel, coécrits avec Robin Campillo, témoignent d’une pression sociale destructrice qui pousse les personnages à dissimuler sa vraie vie pour l’un, son manque d’affection pour l’autre. En 2008, Laurent Cantet marque les esprits et la Croisette avec Entre les murs, adapté avec Robin Campillo du roman de Laurent Bégaudeau. Ce long métrage, au naturalisme déconcertant, décrit la relation d’un professeur de français avec ses élèves dans un collège difficile. Sacré Palme d’or par un Jury présidé par l’acteur américain Sean Penn, le film dépeint un système éducatif qui peine à remplir ses missions pédagogiques et sociales. Après un détour vers les États-Unis où il tourne Foxfire : Confessions d’un gang de filles, adaptation du roman de Joyce Caroll Oates, Laurent Cantet revient à Cannes au Certain Regard : d’abord avec le film à sketchs 7 Jours à La Havane (2012) puis avec L’Atelier (2017) qui suit un jeune en réinsertion au sein d’un atelier d’écriture. Son dernier long métrage poursuit ce travail sur la dialectique entre l’individu et le groupe : Arthur Rambo décrit l’affaire Mehdi Meklat, un jeune romancier à succès rattrapé par ses anciens tweets.

Aux côtés de Pascale Ferran et de Cédric Klapisch, il fonde en 2015 La Cinetek, plateforme de VOD de films éditorialisée par des cinéastes qui confient leur panthéon personnel. Artiste engagé, Laurent Cantet était un humaniste acharné, qui cherchait la lumière malgré la violence sociale, qui trouvait l’espoir malgré la dureté de la réalité.

Le Festival salue avec émotion ce cinéaste discret mais essentiel, à l’engagement chevillé au corps, qui portait en lui la conviction profonde que le cinéma peut changer les trajectoires.