INTERVIEW – Jérôme Salle « L’Afrique du sud est un personnage à part entière, autant que les deux héros »

Jérôme Salle © AFP

Jérôme Salle, réalisateur français de Largo Winch et Anthony Zimmer, clôturera en beauté le 66e Festival de Cannes avec Zulu. Un drame policier profond au cœur de l’Afrique du Sud, avec Orlando Bloom et Forest Whitaker.

Déjà en 2005 avec Anthony Zimmer, c’était une course poursuite, un film policier, Zulu, lui, se pose comme tel. Diriez-vous que c’est votre genre de prédilection ?

C’est un hasard ! Non en fait j’adore ça. Ça ne veut pas dire que j’ai vocation à ne faire que des films policiers. Le prochain, c’est un défi, je vais essayer de le faire sans revolver ! C’est un style que j’aime en tant que spectateur. L’un de mes réalisateurs favoris, c’est Jean-Pierre Melville, donc déjà ça pose une influence.

Zulu est une production internationale dans laquelle vous avez travaillé principalement avec des acteurs américains et anglais. Cela a-t-il changé quelque-chose dans votre manière de travailler ?

La langue a été l’une des principales difficultés. La direction d’acteur est complexe. Sur le plateau, les mots que j’ai besoin d’employer pour exprimer une idée, une émotion sont précis et bien sûr en anglais, j’avais une frustration. J’avais l’impression d’avoir le vocabulaire d’un enfant de douze ans, je ne voulais pas être caricatural dans les instructions que je leur donnais. 

Pouvez-vous nous parler un peu du tournage en Afrique du Sud ?

J’ai failli de ne pas faire le film à cause de ça. J’avais peur de ne pas être légitime de parler de l’Afrique du Sud et de l’Apartheid dans un pays qui n’était pas le mien. Pour compenser, j’ai passé beaucoup de temps là-bas. J’avais une volonté de travailler avec le minimum de français et on a pris des chefs de production et aussi des acteurs sud-africains. Je n’ai jamais senti de problème d’insécurité. Il ne faut jamais oublier que la violence touche surtout les pauvres. Elle ne touche pas les blancs aisés qui vivent dans les quartiers riches de Cape Town. 

Comme on le sait l’histoire de l’Afrique du Sud est riche. Qu’est-ce que cette histoire, ce pays, apporte en plus à l’histoire policière ?

Dans le livre et dans le film, l’Afrique du sud est un personnage à part entière, autant que les deux héros. Ce n’est pas un film sur l’Apartheid, mais sur la difficulté de vivre avec des traumatismes, que ce soit pour un être-humain, ou une société.

Quel sera votre prochain projet ?

Je suis en écriture d’un biopic sur la vie de Jacques-Yves Cousteau. Pour moi, Cousteau, c’est un personnage de mon enfance et il y a un plaisir dans cette aventure, mais en tant qu’adulte, je trouve aussi que ça traite de sujets intéressants. Cousteau est évidemment l’un des pères fondateurs de l’écologie et un homme qui a traversé le vingtième siècle. Un homme qui croyait à l’essor industriel, à la technologie, au progrès. Puis peu à peu, au cours de sa carrière, il a eu des réflexions très avant-gardistes : comme quoi, le progrès n’est pas forcement positif, et qu’il y avait finalement un aspect suicidaire de l’être humain dans cette marche inéluctable vers l’avant.

 

Propos recueillis par Lisa Revil