RENDEZ-VOUS UN CERTAIN REGARD – Bird People, le récit magique de Pascale Ferran

Pascale Ferran © FDC / GLD

Pascale Ferran a déjà remporté la Caméra d’Or en 1994 pour le film Petits arrangements avec les morts. Dans Bird People, la réalisatrice explore les questions sur soi, sur la remise en cause de nos choix, de nos directions, sans hésiter à flirter avec une touche de surnaturel. Elle nous livre une anecdote du tournage.

 

Pascale Ferran © DR

Une nuit de tournage ordinaire.On est au mois d’août. Horaire 22h/5H du matin. C’est une séquence sur un toit d’hôtel en terrasse avec des moineaux dressés. On a choisi le décor pour l’image mais il est rendu assez pénible par l’énorme bouche d’aération qui expulse les odeurs de cuisine : frites, oignons grillés, vinaigre… Tout près de l’endroit où nous devons tourner les premiers plans.
Il est prévu neuf plans dont un travelling arrière qui précède un moineau en train de sautiller. Ça paraît à peu près infaisable.

 

 

La nuit commence très mal. Le moineau ne veut absolument pas faire ce qu’on lui demande. On est trop près de la bouche d’aération, et si, pour nous, c’est pénible, pour lui, c’est hors de question. (Il faut rajouter que le moineau est jet-lagé. Je veux dire par là qu’on a passé des semaines à le décaler pour qu’il veuille bien veiller la nuit et dormir le jour alors que c’est un animal diurne. Il me fait comprendre très clairement qu’il veut bien payer de sa personne, mais qu’il y a des limites.)

On essaie mille ruses pour le protéger, je modifie le découpage à toute allure, on obtient un vague bout de plan dont on a absolument besoin, et on décide de passer aux affaires sérieuses, moins près de la bouche d’aération.
Mais avec tout ça, l’heure a passé. Il est plus de minuit et l’on a fait qu’un demi-plan sur les neuf prévus. Le jour se lève juste avant 5H et l’on ne peut pas dépasser.

C’est alors qu’une goutte tombe sur le sol. Puis une autre.
Toute l’équipe lève la tête, lentement, comme au ralenti.
Aucun doute. Contrairement à ce qu’annonçait la météo, il commence à pleuvoir. On est en extérieur, à hauteur de sol, et si le toit est trempé, c’est foutu.
Par miracle, la régie y a pensé. Des bâches sont là, tout près.

Soudain, dans un même élan, toute l’équipe se précipite. En moins d’une minute, la caméra et les moineaux sont rentrés et le sol bâché à toute allure. Au moment précis où la dernière bâche est posée, l’orage éclate vraiment. Pluie torrentielle d’été. Mais le sol est à sec.
On attend. Il pleut. Quinze minutes. Trente minutes. On est au bord du sinistre. Et l’on sait tous que c’est la dernière nuit sur ce décor, qu’on doit le rendre le lendemain, et que la séquence est indispensable.

Et subitement, devant l’imminence de la catastrophe, un grand calme retombe sur toute l’équipe. Il pleut. Ce à quoi tu ne peux rien, ne t’en soucie pas.

Et puis la pluie s’arrête. Aussi vite qu’elle était venue.
Les visages sont levés vers le ciel. Plus rien.

On débâche. On pose le travelling. On sort l’oiseau. La dresseuse est allongée sur le chariot, à côté de Julien Hirsch et de la caméra. Elle appelle l’oiseau, il avance. Il vient vers nous. La caméra recule, il sautille…Ce plan, infaisable sur le papier, on vient de l’obtenir.
On rugit de joie, on jette nos chapeaux en l’air.
Il est 1H15. Il nous reste 3H30 pour faire 7 plans.
On termine le dernier dans les premières lueurs de l’aube.
C’était une bonne nuit de tournage finalement.

Demain, ça devrait être moins simple. Mais c’est une autre histoire…


SÉANCE 

Lundi 19 mai / Salle Debussy / 16h30

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