RENDEZ-VOUS UN CERTAIN REGARD – The Salt of the Earth par Juliano Ribeiro Salgado

Wim Wenders and Juliano Ribero Salgado © FDC / CD

Juliano Ribeiro Salgado, fils du grand photographe brésilien Sebastião Salgado, présente Le Sel de la terre au Certain Regard. Un portrait de son père, en collaboration avec Wim Wenders et au travers de ses voyages. 

 

Photo du Film © Decia Film

 

Parlez-nous de votre film 

En 2004 mon père, le photographe Sebastião Salgado, a commencé son dernier long projet, « Genesis ». Il entamait alors une recherche des paradis originels qui allait se poursuivre sur huit années et a émis l’idée que je l’accompagne. 

J’étais réticent, je ne savais pas comment mon travail allait s’intégrer au sien. Pourtant le premier voyage s’est révélé incroyable. Il nous a conduit au Brésil, au fin fond de l’Amazonie, à 300 km de la ville la plus proche. Nous avons fait la rencontre d’une tribu éloignée, vivant comme à l’époque du paléolithique et auprès de laquelle nous sommes restés un mois, les Zo’é.

J’ai vécu cela comme un privilège, un moment suspendu, au cours duquel le dialogue s’est renoué entre mon père et moi. Nous sommes allés ensuite en Papouasie, à Irian Jaya, dans une autre tribu très isolée, les Yali, puis sur une île du cercle polaire peuplée de morses et d’ours blancs, Wrangel. 

Lorsque mon père regardait ce que j’avais filmé, il était ému, parfois jusqu’aux larmes. Le dialogue avait eu lieu à travers les paroles, mais aussi par images interposées.

Au cours de ces voyages, nous avons discuté de beaucoup de choses dont nous ne nous étions jamais parlé. L’idée d’un film qui rassemblerait nos rencontres m’est alors venue. 

 

Un souvenir particulier ou une anecdote de tournage ? 

Au cours d’un de nos voyages, nous avons passé plusieurs semaines dans le territoire des Yalis en Papouasie. On ne peut se rendre à cet endroit qu’avec un petit avion, ou après vingt jours de marche.

Vivre avec les Yalis est une expérience très forte ! Ils ont encore un mode de vie ancestral, ils chassent, cultivent la patate douce et élèvent des cochons qui vivent avec eux dans leurs huttes. Chez les Yalis, il n’y a ni électricité, ni eau courante, tout se transmet de façon orale. Les hommes sont uniquement vêtus d’un long étui pénien et d’un sac qu’ils portent en bandoulière. Pendant les premiers jours passés avec eux tout me rappelait à quel point nous étions étrangers les uns aux autres.

Au bout de quelques jours, j’ai suivi un groupe qui a passé tout l’après-midi à construire un piège qui devait servir à attraper de gros rongeurs dont ils se nourrissent. À la fin de la journée de travail, l’un deux s’est assis en tailleur et a frotté deux bouts de bois l’un contre l’autre. Au bout de quelques secondes il avait allumé un feu, répétant un geste ancestral pourtant complètement oublié de nos sociétés. J’ai filmé ce moment car il m’a ému. J’ai eu le sentiment de vivre un instant à la symbolique très importante. Ils ont ensuite tous sorti des petites feuilles d’arbre de leurs sacoches et ont commencé à les rouler en cigarettes qu’ils ont allumées avec le feu qu’ils venaient de faire. 

J’ai alors réalisé qu’ils avaient allumé ce feu pour pouvoir tout simplement discuter autour d’une cigarette après leur travail. Exactement comme mes collègues et moi avons l’habitude de le faire à Paris. Cela m’a beaucoup marqué et a complétement changé ma façon de les voir. 

 

Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ? 

Mon prochain film est une fiction qui se passera au Brésil, à Sao Paulo. Ce film  est en cours d’écriture mais je peux déjà dire que ce sera un thriller psychologique centré autour d’un thème puissant dans la société Brésilienne : l’ascension sociale.

 

 

► Découvrez l’interview de Wim Wenders pour Salt of the Earth

 

SÉANCE


Mardi 20 mai / Salle Debussy / 17h

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