SÉANCE SPÉCIALE – Gabe Polsky, plongée au cœur de l’Armée rouge

Thierry Frémaux, Gabe Polsky et Slava Fetisov © FDC / KV

Dans les années 70 et 80, l’équipe de hockey sur glace de l’Union Soviétique a constitué un outil de propagande majeur pour le régime communiste. L’ancien hockeyeur américain Gabe Polsky, devenu réalisateur et producteur (The Motel Life, 2012), s’est intéressé avec Red Army à ce symbole légendaire du défunt système.

 

Photo du film © DR

 

Pourquoi avoir choisi de vous intéresser à cette équipe légendaire du sport soviétique ?
Mes parents ont immigré d’Ukraine soviétique et je suis né aux États-Unis, où j’ai pratiqué le hockey de haut niveau. C’est donc en grande partie à cause de mon héritage si je me suis intéressé à ce sujet. Enfant, j’ai été initié très tôt aux rouages du hockey sur glace tel que le pratiquaient les Soviétiques par un coach et la créativité de leur style de jeu m’a fasciné. Plus tard, j’ai commencé à comprendre qu’un important lien existait entre l’équipe de l’Armée rouge et les évènements survenus à cette époque dans le pays. La façon qu’a eu ce régime si oppressant de donner naissance à l’une des meilleures équipes de tous les temps m’a beaucoup intéressée. Le hockey sur glace a considérablement influencé la culture, la politique et l’héritage de l’Union soviétique. C’est ce que j’ai voulu analyser dans mon film.

 

Combien de temps avez-vous passé sur ce projet ?
Je crois que j’ai toujours inconsciemment souhaité raconter cette histoire. Petit à petit, j’ai rassemblé des idées qui m’ont permis de lui faire voir le jour. Il y a quelques années, j’ai eu l’opportunité de rencontrer ces joueurs et de les interviewer. Je ne savais pas vraiment jusqu’où l’histoire irait, et sa trame a beaucoup évolué au fil du temps. J’ai utilisé de nombreux extraits d’archives soviétiques qui ont permis de contextualiser ce projet en termes de lieu, d’histoire et d’envergure. Pour cela, j’ai fait appel à des archivistes aux États-Unis et en Russie, où je me suis rendu à maintes reprises.

 

Votre film témoigne d’une époque clé de l’Histoire…
L’équipe de l’Armée rouge a servi d’instrument de propagande pour prouver la supériorité du système soviétique. Le régime a énormément investi pour contribuer à la réussite de l’équipe. Le mode de vie exigeant et les conditions d’entraînement oppressantes des joueurs reflètent ce qu’était la société soviétique dans son ensemble. Ce qui me paraît le plus intéressant, c’est l’influence de l’idéologie nationale sur le style de jeu l’équipe de l’Armée rouge. Servir ses coéquipiers et son pays constituait la priorité absolue, et exprimer son individualité ou remettre en question l’autorité était strictement interdit. Au sein de l’Union soviétique, le hockey incarnait le microcosme de la nation. Si l’équipe réussissait ou échouait, le régime tout entier aussi.

 

Qu’avez-vous appris sur la vie des joueurs de hockey sur glace soviétiques ?
Les joueurs vivaient en marge de la société onze mois par an et sous le joug de l’autorité. Ils étaient la propriété de l’État. Il n’avaient pas le droit de voir leurs familles et ne faisaient que s’entraîner. Ces conditions leur ont permis de devenir les meilleurs, mais ils en ont fait les frais sur le plan personnel. Ils jouaient pour promouvoir les idéaux de l’Union soviétique et du système. Ils n’avaient aucune liberté d’expression. La propagande était au cœur de leur jeu.

 

Quelle influence le KGB a-t-il eu sur cette équipe ?
L’équipe de l’Armée rouge était financée et gérée par l’armée soviétique. Les joueurs se trouvaient donc sous la surveillance continue du KGB, en particulier lors de leurs déplacements à l’étranger. Ils étaient considérés comme les héros du prolétariat. Le KGB craignait que si un joueur ne se montrait pas à la hauteur, cela puisse entraîner une instabilité politique.

Propos recueillis par Benoit Pavan

 

 

SÉANCE


Vendredi 16 mai / Salle du Soixantième / 19h45

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