CANNES CLASSICS – Jason Silverman : « Sembène a donné la parole aux Africains qui ne l’ont pas »

Équipe du film ©FDC / M. Petit

« Ousmane Sembène, une vie de sacrifices pour créer ». Ce sont ces mots, racontés par son coréalisateur, qui ont touché Jason Silverman, qui présente Sembene! à Cannes. Avec Samba Gadjigo, ils retracent l’itinéraire hors normes de ce précurseur du cinéma africain qui, à l’âge de 40 ans, a appris la réalisation en autodidacte. Entretien avec Jason Silverman.

 

Jason Silverman & Samba Gadjigo © DR

Que symbolise Ousmane Sembène à vos yeux ?
Sembène avait un niveau d’implication tel que je n’en avais jamais vu, à faire des films contre toute attente, à inventer ses propres procédés. Mais plus encore, son travail est incroyablement harmonisé, sans doute plus que celui de n’importe quel artiste du 20e siècle. Il s’est attaché à une mission : donner la parole aux Africains qui ne l’ont pas. Les films de Sembène sont incroyables. J’ai enseigné l’histoire du cinéma et ses films étaient de loin les préférés des étudiants. Ils résonnent avec puissance auprès des spectateurs qui se sentent en marge de la machine culturelle cynique qui domine le discours moderne.

Comment avez-vous travaillé sur ce film ?
C’est un film profondément personnel, vu que nous racontons l’histoire de Samba qui explore le travail de Sembène, puis son voyage à la rencontre de l’homme lui-même. On a trouvé des documents incroyables, les archives personnelles de Samba, notamment une séquence qu’il a tournée alors qu’il travaillait avec Sembène, des photos, des écrits. On a passé deux ans à passer en revue les époques et les lieux qui définissent Sembène : l’Afrique de l’Ouest colonisée, l’après-guerre à Marseille, le Sénégal moderne. Puis on s’est entretenu avec les gens qui le connaissent le mieux.

 

Un souvenir marquant ?
Je n’oublierai pas notre voyage avec Samba. Nous avions pris un générateur et un projecteur pour montrer le travail de Sembène dans les villages ouest africains, un an après sa mort. Le soir de notre arrivée, à la première projection, la salle était bondée, le public était captivé. A la fin, les conversations étaient plus riches, plus émouvantes que toutes les discussions d’après film auxquelles j’ai assisté. C’est là qu’on a réalisé que Sembène avait raison. Il a eu raison de consacrer sa vie à raconter des histoires africaines à des Africains.

Entretien réalisé par Tarik Khaldi

 

SÉANCE


Vendredi 15 mai / Salle Buñuel / 17h15
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