UN CERTAIN REGARD – Madonna, rendez-vous avec Su-Won Shin

Shin Su-Won © FDC / C. Duchene

Troisième long métrage de la réalisatrice sud-coréenne Shin Su-Won, Madonna s’inspire de l’œuvre d’Edvard Munch du même nom. Un reflet trouble, à l’image du visage de l’infirmière Hye-rim’s, au début de ce nouvel opus.

Racontez-nous la genèse de votre film.
Un jour d’hiver, j’étais dans un café quand une femme SDF d’une vingtaine d’années entra, s’assit sur une chaise, mit sa tête sur la table et s’endormit. Elle avait une allure saine et normale et j’ai commencé à m’interroger : comment était-elle devenue SDF et pourquoi sa vie avait pris cette tournure ? Je ressentais de l’empathie mais aussi de la peur, en pensant que ma vie pouvait tourner au plus mal à n’importe quel moment. Son image est restée gravée et en pensant à ces femmes qui vivent une vie instable, sans sécurité de l’emploi, j’ai commencé à écrire Madonna.

Madonna © DR

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?
J’aime vraiment les longues prises de vues car cela sert la mise en scène et je préfère filmer sur site plutôt que sur des plateaux de tournage artificiels. Pour ces raisons, nous avons fait de nombreuses recherches de lieux. C’était compliqué mais j’ai fait de mon mieux pour ne pas interrompre le travail des acteurs, je n’aime pas couper les performances, donc plutôt que de filmer en plusieurs fois, je privilégie les longues prises de vues et je laisse les acteurs prendre leur temps avant et après le cut. Les réalisateurs qui sont habitués au rythme rapide de MTV ou au style mainstream ne comprennent pas cette méthode et se sentent perdus.

Une anecdote de tournage quand nous tournions les scènes d’hôpital : comme c’est un film à petit budget, nous ne pouvions pas nous offrir un plateau et nous avons loué une chambre de motel que l’on a transformée en chambre d’hôpital. Mais parce que nous n’avions pas assez d’argent pour payer cette chambre plus longtemps, nous avons tourné non-stop pendant cinq jours. Ces scènes étaient cruciales pour le film, nous étions tous à la limite du surmenage et je n’ai presque pas dormi. Sur le chemin du retour vers Séoul, j’avais le souffle coupé, je me suis rendue dans une clinique et ils m’ont dit de me rendre aux urgences immédiatement pour faire un check-up. Pendant les quelques minutes de taxi en route vers l’hôpital, j’ai prié et pensé : Il y a encore plusieurs jours de tournage, je mourrai après, laissez-moi vivre ces quelques jours. Heureusement, l’histoire se termine bien, c’était juste une grande fatigue, mais pendant quelques heures, j’ai eu le sentiment d’être un des personnages du film.

Quel regard portez-vous sur le cinéma de Corée du Sud ?
Depuis quelques années, de nombreux films à succès ont été produits. A mesure que l’industrie cinématographique prend de l’ampleur, les financements ont afflué, mais les riches se sont enrichis et les pauvres se sont appauvris. Il est très compliqué de récolter des fonds pour des films qui n’ont pas d’attrait pour tout le monde. Il fut un temps où un film créatif pouvait encore recevoir des fonds du gouvernement et des investisseurs. De mon côté, quand j’en fais un, je me demande toujours si ce ne sera pas mon dernier.

SÉANCES


Mercredi 20 mai / Salle Debussy / 11h

Vendredi 22 mai / Salle Debussy / 16h30

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