L’Atelier, rendez-vous avec Laurent Cantet

Photo du film L'Atelier © DR

Le film L’Atelier ouvre les portes de la sélection Un Certain Regard à Laurent Cantet, lauréat de la Palme d’or en 2008 avec Entre les murs. En deux questions, le réalisateur français nous évoque son film.

Racontez-nous la genèse de votre film

En 1999, un atelier d’écriture s’était tenu à La Ciotat, dont le chantier naval avait fermé dix ans plus tôt. Dix jeunes gens y avaient écrit un roman noir qui leur permettait de se reconnecter au passé ouvrier glorieux tombé progressivement dans l’oubli. Il y a deux ans, j’ai eu envie de questionner le rapport des jeunes d’aujourd’hui à une histoire qui leur semble très lointaine, et surtout de faire le point sur leurs préoccupations du moment, leur regard sur ce monde violent dans lequel ils doivent trouver leur place. Le film, comme mes précédents, veut rendre compte de la complexité de notre monde, mais il ne se résume pas à ça. Ce qui le structure, c’est la relation complexe qui se créée entre Antoine, l’un des stagiaires, et Olivia, la romancière qui anime l’atelier d’écriture. Avec Robin Campillo, j’ai très tôt eu envie que le film ressemble à un thriller.

Pour rendre compte de cette complexité, le casting était important. Pouvez-vous nous parler de vos interprètes ?

Dès la première version du scénario, nous avons fait un casting dit « sauvage » dans les clubs de sport ou de théâtre, à la sortie de lycées, dans les bars… Cela m’a permis de rencontrer quelques centaines de jeunes de la région parmi lesquels j’ai choisi les acteurs. Avec eux j'ai mené, moi aussi, un « atelier » de deux semaines à plein temps, dans l'idée de nourrir le film de leurs expériences. C’est l’une des phases que je préfère dans l’ensemble de la fabrication d’un film. La quinzaine de jeunes gens que j’ai choisi ont très vite compris le film. Leur talent, associé à la générosité avec laquelle ils se sont prêtés au jeu m’ont évidemment porté tout le long du tournage.

Pour incarner Antoine, il fallait trouver un jeune homme capable d’endosser sans état d’âme les aspects irrecevables du personnage sans pour autant perdre son pouvoir de séduction sur Olivia et le spectateur. Matthieu Lucci fait partie de nos toutes premières rencontres. Il était allé passer son bac. Très rapidement, il s’est imposé à moi, mais le fait de l’avoir rencontré si tôt introduisait un doute : ça ne pouvait pas être si simple.  J’ai donc continué longtemps à chercher d’autres acteurs, mais en vain. Matthieu a été époustouflant et ce qui me touche le plus, c’est qu’il m’a avoué après quelques jours de répétition  à quel point il détestait Antoine tout en l'aimant, et combien ça lui faisait mal de l'aimer. Comme quoi, on peut donner corps à un personnage sans pour autant lui vendre son âme.
Si j'ai sollicité Marina Foïs pour incarner Olivia c’est que je savais qu'elle saurait assumer cette partition, qu’elle avait la verve requise pour s’imposer dans le groupe, et qu’elle pouvait le faire avec une certaine légèreté. Le sentiment des jeunes à l'égard de Marina était double : il y avait la proximité que la collaboration crée inévitablement sur un plateau, mais aussi une certaine distance puisqu’ils la connaissaient comme actrice, et qu’elle représente un cinéma qu'ils aiment. Ce statut de comédienne connue est d’ailleurs devenu un élément important du dispositif de mise en scène puisqu’il résonnait sur le personnage même d’Olivia, une romancière, connue elle aussi, qui exerce autant d’attirance que de distance sur les jeunes gens qui l’entourent.