L’Ange, le regard de Luis Ortega

Photo du film El Ángel (L’Ange) © DR

L’originalité de sa première réalisation, Black Box (2002), sorti alors qu’il n’avait que 22 ans, avait déjà interpellé l’industrie du film de son pays, l’Argentine. Cette année, Luis Ortega présente L’Ange au Certain Regard, un quatrième long métrage installé dans le Buenos Aires du début des années 1970. Lorenzo Ferro est l’angélique criminel Carlitos choisi par l’Argentin, et Chino Darín, Mercedes Morán et Daniel Fanego complètent le casting.

Racontez-nous la genèse de votre film

Quand j’étais enfant, j’aimais expérimenter et faire des choses qui n’avaient aucun sens. Certains enfants poussent cela trop loin, jusqu’à un point de non-retour. C’est le sujet du film : l’innocence qui devient folle. Aussi, en lisant Journal du voleur de Jean Genet et Notre-Dame-des-Fleurs, j’ai été complètement saisi par la force de son expérience criminelle, poétique et presque religieuse. En Argentine, nous avons cet enfant qui a volé et tué de nombreuses personnes en 1971. Il ressemblait à une Marilyn Monroe de 19 ans. Je suppose que si vous mélangez tout ça vous obtenez L’Ange.

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

Je n’ai pas de méthode, ou plutôt, je préfère ne pas en être conscient. Je n’utilise jamais de storyboard et ne sais jamais exactement ce qui va se passer, même quand une scène est parfaitement écrite. J’arrive sur le plateau de tournage, je fume beaucoup, et laisse ce sentiment de désespoir m’envahir jusqu’à obtenir une sorte d’aboutissement, une façon de faire. Puis je travaille avec les acteurs, c’est important qu’ils sachent que je suis là avec eux. Ils priment avant tout. Quelle que soit la faille technique, vous obtiendrez toujours une scène, en revanche le jeu des acteurs ne peut faillir. Ce serait trop douloureux à regarder.

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce film ?

J’ai appris à choisir un enfant qui n’avait jamais joué auparavant, et à travailler avec lui, jour et nuit, jusqu’à ce qu’il ait l’apparence et la confiance d’une star de ciné. Je me suis rapproché au plus près d’une naissance, et j’espère ne pas me rapprocher d’avantage.

C’est aussi la première fois que je fais un film avec de vrais producteurs, donc cela m’a amené à un autre niveau de responsabilité.

Quel regard portez-vous sur le cinéma argentin ?

Je ne le suis pas beaucoup. L’institut cinématographique en Argentine est très généreux avec quiconque dispose de moyens de base pour présenter un projet. Ce qui signifie que pratiquement toute personne issue de la classe moyenne et désireuse de faire un film va, tôt ou tard finir par le réaliser, ce qui n’est pas si génial au final. Et dans cette configuration, les exploitants vont seulement projeter ceux qui rapportent de l’argent, sans rapport avec le reste. Il existe très peu de salles en dehors des salles strictement commerciales.