Noche de fuego, le regard de Tatiana Huezo

Photo du film Noche de fuego © Pimienta Films

 

La Mexicaine Tatiana Huezo passe du monde du documentaire à la fiction avec Noche de Fuego, son premier long métrage présenté au Certain Regard.

Racontez-nous la genèse de votre film.

Ce film m’a incitée à regarder le monde avec des yeux d’enfant. Cela a été mon moteur, tenter de comprendre ce premier regard sur la vie : pourquoi s’érode t-il au fur et à mesure que l’on grandit ?

Je me suis plongée émotionnellement dans cet univers enfantin à partir de ma propre expérience, j’ai une enfant de 9 ans que je vois grandir chaque jour, son monde, sa magie me fait regarder dans le rétroviseur, ces moments où tu te sens seul et perturbé face à la rudesse de la vie. J’ai trouvé les personnages, trois petites filles fascinantes, dans le roman de Jennifer Clement "Prayers for the stolen". 

La violence au Mexique a aussi inspiré Noche de Fuego.

L’atmosphère du tournage ? 

Je viens du documentaire et il s’agit de mon premier film de fiction. Probablement l’un de mes défis les plus importants, après avoir travaillé pendant 15 ans avec une équipe restreinte de 10 personnes. 

Le silence et la concentration ont été deux des valeurs les plus appréciées sur le plateau. D’un autre côté, les enfants ont eu besoin de s’approprier l’espace : une semaine avant de commencer à tourner elle se sont familiarisées avec les objets, les lits, les meubles, leurs jouets…

Quelques mots sur vos interprètes ? 

J’ai mis un an à trouver les six petites protagonistes du film. Ce ne fut pas simple car l’histoire se déroule en deux étapes, celles de l’enfance et l’adolescence. Il fallait trouver trois enfants de 9 ans et leurs clones adolescents. La préparation de ces enfants, qui viennent du monde rural, a été intense. 

Il y a aussi le travail des acteurs professionnels, en particulier celui de l’actrice Mayra Batalla, qui interprète la mère d’Ana. Elle a adopté les deux Ana, l’enfant et l’adolescente. Elles se sont fâchées, se sont pardonné, et elles ont ri à gorges déployées pendant ces 9 semaines de tournage, où nous étions isolés du monde.

Qu’est – ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ?

J’ai grandi à la campagne, entre vaches et chèvres, ma mère peignait et elle voyageait loin pour vendre le fruit de son artisanat. J’ai passé beaucoup de temps seule, avec ma soeur et une fermière qui prenait soin de nous pendant ce temps. L’espace de jeu et de liberté a été incroyable pendant mon enfance, il n’y avait pas de télé à la maison, peu de règles. Je pense aussi que le cinéma vient de là.

Après quelques années à la campagne, nous sommes partis à Mexico City, et quand mon père ne trouvait personne pour me garder, il m’emmenait à la cinémathèque. On voyait des films de Lynch, Wenders, Tarkovsky, Fassbinder…  À 10 ans, ces films m’ont bouleversée, le cinéma ouvrait une fenêtre puissante vers le rêve. Provoquer chez un autre la même chose que ce que j’avais ressenti face à l’écran était la seule chose que je voulais faire dans la vie.