Rencontre avec Maggie Gyllenhaal, membre du Jury des Longs Métrages

Maggie Gyllenhaal – Membre du Jury des Longs métrages © Jean-Louis Hupe / FDC

 

Une actrice rare que l’on a peu vue à Cannes. Présente une première fois en 2006 pour Paris, je t’aime, Maggie Gyllenhaal prend à cœur son nouveau rôle de Jurée des longs métrages du 74e Festival de Cannes. Elle se livre avec la générosité d’une personnalité solaire.

Cette année, vous êtes du côté de ceux qui attribuent les prix. Quel regard portez-vous sur les films ? Celui de l’actrice ou de la jeune réalisatrice que vous êtes ?

Je les regarde munie de tous les outils que je porte en moi, en tant que réalisatrice, mais aussi en tant qu’actrice, car c’est ce que je suis. J’ai vu 19 films en Compétition jusqu’à maintenant, il m’en reste 5 à voir : j’ai énormément appris de cette expérience, été très inspirée par les films que j’ai vus. Il y a une chose que j’ai constatée et trouvée particulièrement intéressante : nous avons tous vus les mêmes films au sein du Jury et pourtant, aucun d’entre nous n’a eu le même point de vue sur ces films. Cela m'a interpellée, aussi, en tant que jeune réalisatrice dont le film est sur le point de sortir, de réaliser que mon film ne va pas plaire à tout le monde. Quel est le film que tout le monde aime ? Il n’y en a pas vraiment. Cela m’a plu de penser ça. J’ai le sentiment que chaque film m’a apporté quelque chose à méditer, en tant qu’artiste et en tant que personne. 

Précisément, vous vous êtes lancée cette année dans la réalisation avec The Lost Daughter, une adaptation du livre "Poupée volée" (La Figlia Oscura) d’Elena Ferrante. Dans quelle mesure cette expérience diffère-t-elle de l’interprétation ?

D’une certaine façon, je pense que je ne m’étais pas autorisée à penser que je pouvais devenir réalisatrice jusqu’à il y a quelques années. En tant qu’actrice, j’ai toujours été attirée par le récit, par la narration. Quelle est l’histoire que je veux porter en jouant ? J’aborde ma façon de jouer en fonction de l’histoire, de la réalisation, et tous les acteurs ne voient pas les choses de cette façon. Il y a quelques années, je me suis donc autorisée à écouter cette petite voix qui était en moi depuis longtemps et qui disait : « Je voudrais réaliser un film du début à la fin. ». L’expérience a été paradisiaque. Laborieuse mais paradisiaque. 

« L’expérience de la réalisation a été paradisiaque. Laborieuse mais paradisiaque. »

En quoi cette expérience a-t-elle été si forte ? 

Mes collaborateurs. Ma collaboration avec ma directrice de la photo, avec mon monteur, et mes incroyables interprètes. J’ai attaché énormément d’importance au choix de mes acteurs, ceux dont je pensais qu’ils seraient les plus convaincants, intéressants et atypiques. En terme d’expérience, l’idée de préparation était assez nouvelle pour moi, et j’ai adoré ça. Ma directrice photo a beaucoup insisté là-dessus et je lui en suis très reconnaissante. Une bonne préparation implique une réelle liberté au moment du tournage. Le film est un très petit film, nous l’avons tourné en très peu de temps, en 28 jours, je me suis sentie très à l’aise au moment de tourner grâce à cette préparation, aussi parce que j’ai foulé beaucoup de plateaux dans ma vie. 

J’ai aussi adoré l’étape du montage. J’ai senti qu’après un moment, mon monteur et moi-même avions atteint la capacité de lire dans les pensées de l’autre. J’ai dû me surpasser car j’avais ce film entier en moi, dans ma tête, dans mon corps, et il a fallu apprendre à présenter mes intentions aux côtés du monteur, un moment après l’autre, en s’autorisant à changer l’ordre des choses. C’était incroyable, j’ai adoré ça. 

Votre frère Jake a été membre du Jury comme vous en 2015 : avez-vous pour habitude d’échanger sur vos choix de films ? 

Je ne parle pas beaucoup de mes choix avec lui. Mais je parle peu de mes choix en général. Je sens que si je commence à demander la validation des gens à propos d’un projet qui m’est proposé, c’est que ce projet n’est pas pour moi. D’une certaine façon, je n’obtiens pas toujours ce que je veux, mais je sais, quand je découvre un projet, s’il est fait pour moi, ou pas. 

Mon frère a été l’un des premiers à voir mon film, de même que certains de mes amis et collègues les plus proches, et il a été formidable. Il y a une chose qu’il m’a dite et qui m’a frappée : « Tu es en train de gravir la montagne du son. ». Car l’une des étapes qu’il préfère dans la création est celle du mixage son. Et c’était vrai. Cette partie du processus était très nouvelle pour moi, et je n’avais pas réalisé son importance jusque-là. J’ai vraiment aimé cette étape, pour le défi que cela représente, et pour le rendu final. Je ne savais pas si j’allais savoir ce que je voulais à ce niveau-là, et j’ai vraiment su trouver cela en moi. J'ai adoré ça. 

À Cannes, vous découvrez toutes sortes de films. Quels sont vos films de prédilection ? 

J’aime les films qui me permettent de me sentir différente, qui m’attrapent d’une certaine façon. J’aime sentir que l’expression de ces films représente la vérité en ce monde.