I’m so Sorry, entretien avec Zhao Liang

Photo du film I'm so sorry © DR

A voir jusqu’au 19 mars sur arte.tv : le documentaire I’m so Sorry, réalisé par l’artiste chinois Zhao Liang. « De Fukushima à Tchernobyl, Zhao Liang voyage en terres irradiées à la rencontre d’habitants sinistrés. Un cri d’alarme sous forme d’essai filmique à la poésie dénudée. » Lors de la présentation du documentaire à Cannes dans le cadre de la sélection Cinéma pour le Climat en 2021, nous avions rencontré le réalisateur. Interview.

D’où vient l’idée de ce film ?

En 2017, je faisais des recherches pour un nouveau film dans ma ville natale Dandong, dans la Province de Liaoning. J’étais chez moi lorsque le lustre, le ventilateur, et tout le bâtiment ont commencé à trembler. Nous pensions à un tremblement de terre. C’est seulement le lendemain que nous avons appris par les médias étrangers qu’une bombe atomique avait été lancée depuis la Corée du Nord. La distance entre le site où a eu lieu l’explosion et Dandong était d’environ 450 kilomètres. L’explosion était tellement puissante que nous avons senti le choc depuis Dandong. C’est de cette expérience personnelle qu’est venue l’idée du lustre qui tremble dans le film.

Le film retrace différents événements historiques liés aux dangers du nucléaire. Cette construction était-elle déjà présente dès le scénario ?

Oui, j’ai effectué mes recherches à partir d’indices représentant le passé (Tchernobyl), le présent (Fukushima) et le futur (Onkalo). J’ai visité six pays : le Japon, l’Ukraine, la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Allemagne et la Finlande.

Comment s’est déroulé le tournage sur ces terres irradiées ?

Comme c’était mon premier projet international, le budget de production était limité, ce qui réduisait les possibilités. Et les démarches pour filmer du contenu sur le nucléaire sont très longues. Nous n’avions pas de réelles protections contre les radiations. Le mieux que l’on pouvait faire était d’empêcher l’inhalation de particules radioactives. J’avais toujours un radiomètre sur moi, pour calculer le taux de radiation. Nous devions filmer le plus vite possible dans les zones à haute radiation. Les travailleurs aussi devaient suivre de manière stricte toutes les procédures. Leurs corps sont percés de balles invisibles tous les jours… Je me demande ce qui les motive à rester travailler ici.

Considérez-vous le film comme un avertissement adressé au monde ?

En plus des hauts risques liés aux radiations, les déchets nucléaires amènent une montagne de problèmes sans fin. Je voudrais alerter le monde que nous ne devrions pas payer un prix si fort pour de l’énergie nucléaire. Nous devons examiner nos styles de vie, notre consommation de masse, et réfléchir aux aspects vicieux du système capitaliste lui-même. C’est le moment de corriger cela. Chaque personne qui crée des émissions de carbone devrait réfléchir et s’excuser auprès du futur.

« Chaque personne qui crée des émissions de carbone devrait réfléchir et s’excuser auprès du futur. »

Vous êtes également photographe et artiste contemporain. Comment ces différents médiums communiquent-ils entre eux dans votre travail et s’inspirent-ils mutuellement ?

En tant qu’artiste vidéo, mon exploration de la linguistique audiovisuelle est aussi présente dans mes films. Mais du point de vue du public, je ne peux pas être trop abstrait dans mes films. Mes films sont comme le Bouddhisme mahāyāna : ils ne me sauvent pas uniquement moi-même, mais tentent de sauver aussi les autres.