Rencontre avec Mélanie Laurent, membre du Jury des Longs Métrages

Mélanie Laurent – Membre du Jury des Longs métrages © Andreas Rentz / Getty Images

 

Elle aborde ses rôles à l’instinct, apprend le texte, attend la dernière seconde et se laisse porter à l’écoute du mot « Action ». L’actrice, scénariste et réalisatrice Mélanie Laurent vient d’ajouter une ligne à son impressionnant parcours : Jurée du Festival. Rencontre.

Vous faites partie du Jury de cette édition depuis près d’une semaine, quel type de Président est Spike Lee

Spike Lee est très consciencieux, il a un énorme respect pour les femmes. On se sent très respectées dans ce Jury, ce sont toujours les femmes qui parlent en premier, avec de vrais temps de parole. Nous nous voyons régulièrement, pour ne pas parler des 24 films au dernier moment.  

Et vous, quel regard portez-vous sur ce rôle de Jurée : celui de l’actrice, de la scénariste ou de la réalisatrice ? 

On les regarde de toute façon avec un œil un peu déformé. Certaines actrices me touchent plus car je me dis que ce qu’elles jouent est injouable, certains mouvements de caméra vont m’intriguer plus que d’autres… Mais globalement, je crois réussir à être spectatrice, à voir les films dans leur globalité. J’essaie d’accueillir et de ne pas trop analyser. 

« J’ai envie d’aller vers quelque chose d’extrêmement instinctif : J’aime, j’aime pas, je ressens quelque chose, ou pas … »

Il y a forcément une dimension politique aussi, certains films peuvent nous bouleverser par le message, on se demande si ce message peut apporter quelque chose au monde et, dans ce cas, on met de côté ce qu’on a pu ressentir pour le mettre en valeur. 

Qu’apprenez-vous des discussions au sein de ce Jury ? 

J’apprends que c’est difficile car, quand on aime un film et que cela touche quelque chose en nous, cela rend malheureux d'entendre quelqu’un penser le contraire. C’est difficile de ne pas se sentir impressionnée face à ces grands cinéphiles, de toujours trouver les bons mots pour exprimer ce qu’on a ressenti… On se met vite la pression, même si on s’entend tous très bien. 

Votre combat en faveur de l’environnement est une priorité : concrètement quel est l’impact d’un documentaire comme Demain (2015) ? 

On l’a vu tout de suite avec Cyril Dion parce que c’est un film que l’on a beaucoup tourné en France, avec des rencontres publiques. On était très heureux de constater l’envie des gens de se retrouver de manière locale, de s’entraider, et de faire ça plutôt dans la joie, car le docu était assez positif. Finalement, on nous posait très peu de questions après le film. Les gens prenaient la parole en disant « Merci pour le film c’est super et sinon… ». C’était tout de suite un message lancé à la salle du type « J’habite dans telle rue, j’ai un jardin partagé : qui veut participer ? » 

Quel personnage n’avez-vous jamais joué ? 

Je n’ai jamais joué de femme politique, de femme qui se serait battue pour changer les choses. Ces grandes scènes de discours : ça doit être impressionnant et très agréable à jouer. 

Vous avez déjà une impressionnante carrière : avec quel réalisateur rêveriez-vous de jouer ? 

Des femmes. J’ai peu tourné avec les femmes. Je n’ai jamais tourné avec Céline Sciamma, Rebecca Zlotowski, Justine Triet, Emmanuelle Bercot… Je trouve qu’il y a un cinéma féminin très fort en France, un cinéma qui me touche et qui existe depuis longtemps, pas un cinéma qui vient d’arriver parce qu’il y a un débat dans le monde. Il était déjà là, avec un fort niveau d’exigence. Ce sont des femmes qui écrivent de belles histoires et qui filment bien les gens, pas que les femmes d’ailleurs. 

Quel est votre prochain projet ? 

Je ne sais pas encore exactement quel vecteur je vais utiliser, si ce sera un long métrage en deux parties ou une mini-série mais ce sera l’histoire de la pionnière féministe de la chirurgie esthétique, Suzanne Noël, et c’est moi qui vais endosser le rôle. Elle réparait les gueules cassées pendant la Première Guerre mondiale, a transformé des visages de juif traqués par la Gestapo pendant la Seconde Guerre mondiale, et elle avait trouvé la méthode pour effacer les tatouages des victimes de camps de concentration. Elle avait créé un vrai club féministe en allant chercher des femmes puissantes partout dans le monde. Elle a voulu donner la parole à toutes les femmes car elle se rendait compte que les hommes de ce monde se retrouvaient entre eux pour prendre les décisions. C’est une des premières à avoir refusé de payer des impôts. Elle disait qu’elle ne les paierait pas vu que l’Etat ne la reconnaissait pas pour ce qu’elle faisait. Elle a changé la vie de beaucoup de gens.