Yashagaike de Masahiro Shinoda en version restaurée : la tradition chamboulée

Trois fois sélectionné en Compétition pour Chinmoku (Silence) en 1972, Himiko en 1974, et Sharaku en 1995, le réalisateur, monteur et scénariste japonais Masahiro Shinoda fait son retour à Cannes avec la version restaurée de Yashagaike (L’Étang du démon). Entre drame fantastique et histoire d’amour tragique, le récit prend place dans un village perdu dans les montagnes de la province d’Echizen, où règne une légende selon laquelle un dragon est retenu au fond d’un étang. Si la cloche du village ne sonne pas trois fois par jour, le dragon sera libéré et provoquera un déluge mortel. Akira et Yuri, chargés de faire respecter cette mystérieuse tradition, voient leur quotidien chamboulé par l’arrivée du professeur Yamasawa au village. 

La tradition chamboulée, c’est en effet le mot d’ordre du film. Shinoda adapte ici au cinéma une pièce de théâtre kabuki, un genre théâtral traditionnel du Japon, vieux de plus de quatre cent ans, caractérisé par des comédiens très maquillés et des dispositifs scéniques imposants. Écrite au début du XXème siècle par Kyoka Izumi, écrivain et dramaturge japonais, spécialiste du genre fantastique, cette pièce met en scène un onnagata (comédien jouant le rôle d’un personnage féminin), incarné dans le film par l’un des comédiens de kabuki contemporain les plus célèbres, Tamasaburō Bandō. A cette légende mystique se mêle l’audace et le style exalté de l’un des loups de la génération révoltée de cinéastes japonais des années 1960, qui donnent lieu à une œuvre saisissante de richesse. 

Initiée et supervisée par Shinoda et Bandō eux-mêmes, la restauration 4K de cette œuvre trop peu connue promet la résurgence de ces créatures mythologiques et fardées des abysses du cinéma.