Alexandre Moix sonde l’âme de Patrick Dewaere dans Patrick Dewaere, Mon Héros

Photo du film PATRICK DEWAERE, MON HÉROS de Alexandre MOIX © « PATRICK DEWAERE, MON HÉROS » © Photo Etienne George - Collection Christophel

Projeté en avant-première à Cannes Classics, ce documentaire d'Alexandre Moix conté par la fille cadette de Patrick Dewaere dresse le portrait de cet acteur immense qui a cherché toute sa vie à panser au travers du cinéma ses blessures les plus profondes.

Comment ce projet de documentaire vous est-il venu à l'esprit ?

C'est le résultat d'une amitié que j'entretiens depuis vingt ans avec sa fille Lola Dewaere, qui est aussi comédienne. J'ai réalisé un premier film sur Patrick Dewaere en 2003 et quelques années plus tard, j’en ai imaginé un autre pour Gaumont. Je m'étais toujours dit que j'avais laissé de côté les trois quarts de sa personnalité. Il y avait à l'époque des choses qu'on ne pouvait pas dire car des membres de sa famille faisaient barrage à certaines révélations.

 

Qui était Patrick Dewaere ?

J'ai toujours pensé qu'on ne pouvait pas comprendre qui il était, ni son suicide, sans cette clé : Patrick Dewaere s'est fait violer durant toute son enfance et son adolescence. Il ne s'est jamais remis de cette blessure profonde. Il y a eu aussi ce père dont on lui a toujours caché l'identité. Patrick Dewaere n'a jamais su qui il était. D'ailleurs, sa tombe ne porte pas de nom.

 

Quel type d'archives avez-vous exhumé ?

J'ai retrouvé des enregistrements sonores inédits issus de bandes audio de journalistes qui l'ont interviewé. Nous les avons numérisés. Il s'agissait de OFF absolument extraordinaires où Dewaere parle de sa mère comme jamais nous ne l'avions entendu.

 

Le documentaire est monté sous la forme d'une lettre d'une fille à son père. Pourquoi ?

Je me suis demandé comment faire un film différent sur Dewaere avec tout le matériel en ma possession et pour moi, il fallait que Lola parle de son père. Elle m'a dit cette chose sublime : « Grâce à ton film, je vais peut-être pouvoir l'appeler papa ». Lola s'est réapproprié son père de cette manière. C'est une belle déclaration d'amour d'une fille à son père.

« C’est le film définitif sur mon père ».

Vous n'occultez aucun sujet…

Lola m'a dit : « Pour moi, c'est le film définitif sur mon père. » J'avais envie que les gens qui voient mon film le prennent dans leurs bras. Pour moi, Dewaere, c'est un éternel gamin. Une sorte de félin à tête d'enfant et il le sera pour toujours.

 

L'un des points saillants de votre film, c'est sa rivalité avec Gérard Depardieu…

Il en a beaucoup souffert car il rejouait à travers elle celle qui existait avec ses frères lorsqu'il était enfant-acteur. Tous deux s'adoraient sur les tournages, mais ils se fréquentaient peu dans la vie. Depardieu était une sorte de gargantua qui mangeait la vie alors que Dewaere était un cafardeux, un sombre.

 

Quel film a été un tournant ?

Pour moi, c'est Série Noire (1979), d’Alain Corneau, qui est un pur chef-d’œuvre. Il y a eu un avant et un après. Le film a été sélectionné à Cannes et il aurait dû décrocher le Prix d'interprétation. Tout était fléché pour qu'il l'ait et il ne l'a pas eu. Cela a été une grande blessure. Il espérait, grâce à Série Noire, une carrière américaine. C'était son grand rêve. Après cette désillusion, quelque chose a lâché en lui et ensuite, ça a été la descente aux enfers.