Anselm (Le Bruit du temps) de Wim Wenders, l’interview cannoise

Anselm (Le Bruit du temps) deWim Wenders © Les Films du Losange

Deux films du prolifique réalisateur Wim Wenders , Palme d’or en 1984, étaient en Sélection à Cannes cette année : le long métrage fictionnel en Compétition, Perfect Days, et le documentaire Anselm (Le Bruit du temps) en Séance Spéciale. Anselm, monumentale expérience 3D qui sort en salle en France le 18 octobre, nous fait pénétrer de plain-pied dans l’œuvre du plasticien contemporain allemand, Anselm Kiefer. Entretien avec le metteur en scène du Sel de la Terre, Prix spécial un Certain Regard en 2014, et du Pape François, présenté en Séance Spéciale en 2018.

Pourquoi avoir choisi la figure de l’artiste Anselm Kiefer ?

Cela fait longtemps que nous avons le projet de faire un film ensemble. J’ai toujours été impressionné par l’immense portée de son travail, qui touche à l’histoire, à l’astronomie, à la philosophie, à la biologie, à la physique ou aux mythes. Il n’y a pas de limites à sa palette ou à son imagination. Et comme personne d’autre à ma connaissance, il est capable d’intégrer le « temps » dans son travail et d’en rendre les traces visibles. Lorsque j’ai enfin visité l’immense atelier-logement qu’il a créé dans le sud de la France à Barjac, et que j’ai vu les nouvelles œuvres dans son atelier à Croissy près de Paris, j’ai été convaincu que le moment de faire le film était venu.

Avez-vous besoin de connaître personnellement les artistes sur lesquels vous travaillez ?

Ce n’est pas ma priorité. Je n’avais jamais rencontré les vieux musiciens cubains du Buena Vista Social Club avant le début du tournage. Ni Sebastião Salgado, ni le pape François. J’ai connu Pina Bausch, c’était une bonne amie, et je connais Peter Zumthor depuis des années, sur lequel je développe actuellement un film.

Quel angle avez-vous choisi pour décrire la fantastique carrière de Kiefer ?

C’est l’œuvre elle-même qui est le moteur du film, c’est une biographie de son art. Avec l’aide de la 3D (aujourd’hui techniquement beaucoup plus avancée que lorsque nous avons réalisé PINA avec un équipement prototype), j’ai pu permettre au public d’être réellement à Barjac, de faire l’expérience du monde souterrain et de la crypte qu’il y a créée, ainsi que d’autres sites étonnants, et de s’immerger réellement dans l’univers d’Anselm Kiefer. Ils peuvent assister à son exposition époustouflante au Palazzo Ducale de Venise. Ils peuvent visiter les différentes étapes de sa vie. Il y a des séquences avec un jeune acteur jouant Kiefer à l’âge de dix ans, et il y a son propre fils jouant Kiefer dans la quarantaine. En sortant de ce film, on peut dire : « J’étais dans le monde d’Anselm ».

 

« C’est l’œuvre elle-même qui est le moteur du film, c’est une biographie de son art. »

 

Vous avez un film de fiction et un documentaire à Cannes cette année : quel est le travail artistique que vous avez le plus apprécié ?

Le tournage d’Anselm a duré plus de deux ans et j’en ai apprécié chaque seconde. L’autre film, Perfect Days, a vu le jour très spontanément, car j’avais une fenêtre ouverte dans la longue et complexe post-production d’Anselm. Lorsque vous verrez les deux films, vous comprendrez qu’il est difficile d’imaginer deux films plus différents. Mais les deux proviennent de la même source : mon amour pour l’art et pour les lieux. Je souhaite ardemment mieux comprendre l’art et, avant Anselm, j’ai réalisé une installation 3D sur Edward Hopper, intitulée Two or Three Things I Know About Edward Hopper, et une autre sur l’œuvre de l’artiste française Claudine Drai que j’ai nommée Présence.