Frédéric Tellier & Benjamin Lavernhe dans les pas de l’Abbé Pierre

Il y a mille vies dans celle d’Henri Grouès, tour à tour prêtre à la santé fragile, résistant maquisard et député à la Libération. Il y a surtout la légende, celle de l’Abbé Pierre, nom qu’il s’est choisi, celui d’un homme de paix engagé corps et âme contre le mal logement. Frédéric Tellier a choisi les traits de Benjamin Lavernhe pour rendre hommage à cette destinée singulière dans L’Abbé Pierre – Une vie de combats . Présenté Hors Compétition à Cannes, le biopic très attendu sort en salle le 8 novembre. En attendant, rencontre avec le réalisateur et son acteur.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ?
Frédéric Tellier : Beaucoup de choses. D’abord, ma mère était allée à une conférence et m’en avait parlé. Puis, c’est un sujet que j’ai abordé avec les producteurs alors que nous cherchions justement un nouveau sujet. Il y aussi probablement ma propre colère envers le monde d’aujourd’hui. Je connaissais finalement assez mal l’histoire de sa vie, hormis quelques points saillants, comme beaucoup de gens de mon âge ou plus jeunes encore. Il m’a fallu du temps avant d’être convaincu qu’il y avait matière à raconter un film.

Comment vous êtes-vous documenté ?
Frédéric Tellier : C’est un peu ma spécialité, les grosses enquêtes, même si celle-ci n’a pas été très longue. Il y avait énormément de matière déjà existante à laquelle j’ai eu facilement accès parce que j’étais très proche de la Fondation Abbé Pierre et du mouvement Emmaüs, donc très proche des archives. Et comme il s’agit d’une reconstitution historique, pour cette documentation, j’ai travaillé avec des journalistes spécialisés. On a récolté presque 5 000 photos, dont beaucoup sont inédites, des documents vidéos et des lettres tirées de l’échange épistolaire avec François Garbit, son grand ami.

Est-ce difficile d’incarner un tel personnage ?
Benjamin Lavernhe : C’est un rôle unique dans une vie. Incarner l’Abbé Pierre comble le plaisir du comédien car il était aussi un grand tribun, un grand orateur, qui avait le pouvoir de toucher au cœur par ses prises de paroles. Il avait une grande dimension théâtrale et c’était aussi un homme bouleversant de complexité. On montre sa force comme ses fragilités et ses doutes. Cela est mis au service d’un film multiple, qui est à la fois un film d’aventure, un film historique et un film terriblement engagé.

Comment vous y êtes-vous pris  ?
Benjamin Lavernhe : C’est la première fois que j’incarne quelqu’un d’aussi connu et d’aussi aimé. Il y avait quelque chose de très sérieux dans l’exercice. Cela supposait un grand travail de documentation, de rencontres avec ses proches. C’est aussi en étant au plus près de moi que j’ai pu servir le personnage. Il n’était pas question de l’imiter ou de le singer. Ce qui compte, ce sont les signes. C’est à la fois se connecter à son énergie, son phrasé et incarner la manière dont il est habité.