Le Règne animal, l’hypothèse fantastique de Thomas Cailley

LE RÈGNE ANIMAL © 2023 Nord-Ouest Films, Studiocanal, France 2 Cinéma, Artémis Productions

En ouverture de la sélection Un Certain Regard, le Festival de Cannes 2023 a accueilli Thomas Cailley avec Le Règne animal. Le réalisateur y met en scène un monde dans lequel certains humains mutent peu à peu vers l’animal. Ces « créatures » sont suivies dans des centres spécialisés jusqu’au jour où, après l’accident d’un convoi, certaines se dispersent dans la nature. Parmi elles, une femme. Son mari et son fils partent à sa recherche. Une quête fantastique portée par Romain Duris et Paul Kircher à découvrir en salle à partir du 4 octobre.

D’où vous vient l’idée de ce film?
En participant à un jury en 2019, j’ai lu un scénario écrit par Pauline Munier, dans lequel certains humains se trouvaient transformés, dotés de traits animaux. L’idée m’a immédiatement touché, elle était au carrefour de toutes mes envies d’écriture d’un film à la fois fantastique et totalement ancré dans notre époque. Il y était aussi question de corps et de pulsions, de désir et de désordre, de notre part sauvage… J’ai tout de suite proposé à Pauline qu’on écrive ensemble.

Comment s’est déroulé le tournage?
Le tournage devait durer 11 semaines et il s’est finalement étalé sur 5 mois, à cause des incendies géants qui ont ravagé le sud-ouest de la France durant l’été 2022. Les feux nous ont littéralement encerclés, à tel point qu’il a fallu mettre le film en pause et entreprendre de nouveaux repérages pour remplacer les décors naturels qui ont malheureusement été détruits par les flammes. Sur les dernières semaines de tournage, avant l’arrêt forcé, s’est ajoutée une ambiance très singulière à la lumière de l’été. C’était du à la sécheresse et aux nuages de cendres qui couvraient le ciel certains jours : les lumières étaient improbables, étranges et menaçantes, cela se ressent dans le film.

« À travers cette hypothèse fantastique, le récit parle de transmission, des mondes qu’on souhaite léguer, de ceux dont on hérite, qu’on détruit, ou qu’il reste peut-être encore à inventer. »

Quelques mots sur vos interprètes ?
Au centre du film, il y a un duo père-fils. François, le père, est un personnage entier. Il a quelque chose d’absolu, de romanesque. C’est aussi un rôle très physique. Des qualités qui sont également celles de Romain Duris, que je souhaitais rencontrer depuis longtemps. Romain lui a donné une vitesse, une précision et une incarnation très pure.

C’est rare pour un jeune homme comme Paul Kircher [dans le rôle du fils] d’être quasiment de tous les plans d’un film qui comporte des scènes d’action, d’émotion, de jour comme de nuit, pendant plus de 60 jours… Paul a travaillé énormément, avec beaucoup de rigueur. Le tournage a été précédé d’un long travail avec une chorégraphe pour explorer son langage corporel, ses mouvements, la perception du monde qui l’entoure. Il a des ressources insoupçonnées. Quelque chose bouillonne en lui, une énergie indomptable, une part sauvage.

Qu’y avait-il de nouveau pour vous dans la réalisation de ce film?
Je donne beaucoup d’importance à la période de préparation qui précède le tournage. Sur Le Règne animal, la préparation a duré plus de dix mois, à cause de la complexité des enjeux de mise en scène. En plus des « créatures », la nature du récit est de combiner des scènes intimes et d’autres spectaculaires, qui ont nécessité un énorme travail de préparation. La préparation a donc été particulièrement collective. Apprendre à dialoguer avec autant de corps de métiers différents (dessinateurs, sculpteurs, storyboarders, maquilleurs, animatroniciens…) était totalement nouveau pour moi, mais s’est avéré passionnant.