RENDEZ-VOUS UN CERTAIN REGARD – La Chambre bleue de Mathieu Amalric

Léa Drucker et Mathieu Amalric © FDC / MP

Cannes a vu dans son enceinte évoluer deux Mathieu Amalric. L’interprète, d’abord, séducteur maladroit dans Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle), prisonnier d’un corps inerte dans Le Scaphandre et le Papillon, metteur en scène envouté par La Vénus à la fourrure. En 2010, il concourt en Compétition, comme réalisateur cette fois, et s’entoure d’une troupe au charme new burlesque avec Tournée. Cette année, on le retrouve au Certain Regard avec La Chambre bleue.

Photo du film © DR

 

Racontez-nous la genèse de votre film.
L’hiver dernier, je croise Paulo Branco dans la rue. Paulo, j’ai commencé avec lui comme assistant à 20 ans. Il me scrute, sent bien que ça fait déjà deux ans que je gribouille autour du Rouge et le Noir, payé par d’autres producteurs. Alors il dit : « Tu veux pas faire quelque chose en trois semaines ? Tourner quelque chose en trois semaines ?»  Je rentre à la maison, je lorgne les bouquins qu’on met de côté, comme ça. Et là, ressort un petit livre bleu, usé, que je connais bien. Il était là pour Tournée, déjà, ce bouquin bleu. Oui, la scène de la fin, on l’avait surnommée  « La chambre bleue », et il y avait ça : un homme et une femme dans une chambre, après l’amour. Qu’est-ce qui reste dans la vie finalement, à part deux corps qui s’attirent ?

Un souvenir, une anecdote de plateau ?
Me reviennent comme ça, les derniers jours du tournage, celles du procès. Nous avions ouvert au public le tribunal d’instance désaffecté de Baugé où nous tournions. Il y avait foule pour assister à ce faux-procès. Car, pour le film, nous en avons fait un vrai. La Cour était constituée de professionnels de la justice, tous des vrais. Pour capturer le bruit de fond, la théâtralité, la lenteur interminable, surréelle d’un procès, nous avons commencé par faire une prise de plus de deux heures qui commençait par l’arrivée du Président de la Cour d’Assises, le public se levant, l’arrivée des accusés (donc nous, acteurs menottés, Stéphanie Cléau et moi), les serments, l’exposition des faits ,etc… Oui, ayant constitué un faux-vrai dossier judiciaire à partir de l’ « affaire » de la Chambre bleue, que nous leur avions procuré, le procès suivait son cours. Le greffier montrait les pièces à conviction (que l’accessoiriste avait mises sous vrais scellés), le public tendait le cou pour nous observer, tandis que l’avocate générale nous accusait des pires crimes. Nos avocats, ensuite, prenaient notre défense et peu à peu, une sensation de noyade, de destin tragique, de cauchemar m’a submergé. Les jurés, qui découvraient l’affaire, nous scrutaient, le public rigolait, applaudissait, huait. En vrai !!
Alors soudain, je me suis levé en criant « Coupez ! Coupez ! »… Avant le verdict ; pour me réveiller libre.

 

Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?
Je ne le connais pas moi-même. Je ne savais pas, avant que Paulo soit le déclencheur de celui-ci, que La Chambre bleue allait exister. J’aime les commandes, les désirs ou intuitions des autres. En attendant, je continue mon travail de moine-copiste du Rouge et le Noir de Stendhal…

Quel cinéma vous influence ?
Savoir être poreux, curieux, sans principes, pour peut-être se trouver soi-même. Accepter d’être multiple. Mais aussi chercher par des films, l’identité encore inconnue d’un projet en cours. Ainsi pour La Chambre bleue, ce fut les films noirs de la RKO, Jacques Tourneur, Preminger, Fritz Lang. Des films tournés vite, des films courts, lyriques et angoissants. Suspense et passion. Au premier degré. Mais aussi La Femme d’à côté de Truffaut, Loulou de Pialat, Usual Suspect, Je t’aime, je t’aime de Resnais, L’Atalante de Vigo… Pleins d’alluvions qu’il faut charrier en soi pour, au moment du tournage, mieux les oublier.
 

SÉANCES


Vendredi 16 mai / Salle Buñuel / 11h – 17h

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