Eshtebak, rendez-vous avec Mohamed Diab

Photo du film Eshtebak (Clash) © Film Clinic & Sampek Productions

Pour son premier film en Sélection officielle, le réalisateur engagé Mohamed Diab fait l’ouverture Un Certain Regard avec Eshtebak (Clash). La révolution égyptienne motive l’intrigue d’un second long métrage derrière la caméra.

Racontez-nous la genèse de votre film

Juste avant la révolution, CAIRO 678 (mon dernier film) venait de sortir et il se trouve que j’accordais beaucoup d’interviews à la télé pour en faire la promotion. Le fait d’avoir accès à la presse m’a permis de montrer mon soutien à la Révolution. Je voulais faire un film sur la Révolution mais les choses bougeaient si vite que chaque idée que j’avais devenait obsolète avant même de la formuler. Khaled Diab, mon frère, avec qui j’avais déjà travaillé, m’a proposé de filmer des personnes coincées dans un fourgon de police, sur une journée particulièrement infernale. J’ai trouvé que cette idée captait bien la complexité de la situation en Egypte. Nous avons réécrit le film 13 fois, avant de considérer que c’était bon. Trois ans plus tard, le scénario illustre toujours la situation actuelle en Egypte. C’est très ironique de constater qu’un film qui traitait de la naissance d’une révolution, finisse par parler de sa chute.  

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

Pour Clash, nous avons dû recréer des événements réels que tous les égyptiens avaient traversés, et mon but en tant que metteur en scène était de capter la réalité. Nous avions des contraintes de temps car j’avais 27 jours pour terminer un film qui demandait 60 jours de tournage. La meilleure chose que j’ai faite a été de trouver les bonnes personnes, aussi passionnées que je l’étais par le film. Pendant le tournage j’ai laissé tourner la caméra en permanence. J’ai développé un certain talent pour diriger mes acteurs au microphone.

Les scènes d’action ont été compliquées. J’avais d’excellents coordinateurs de cascades mais les extras non professionnels n’écoutaient pas les instructions facilement. En fait, ce que vous voyez dans le film, ce ne sont pas des créations de scènes d’action, mais bien des scènes réelles tournées sur le moment. Tous ceux qui ont travaillé pour le film pensent que c’est la chose la plus difficile qu’ils aient fait de toute leur carrière.  

Quelques mots sur vos interprètes ?

Le concept du film exigeait beaucoup des acteurs, qu’ils aient une ligne de texte ou vingt. L’histoire parle de la tragédie d’être coincé dans un fourgon de police pendant toute une journée, mais sur le tournage les acteurs y restèrent pendant 27 jours ! La dernière semaine, la plupart ont fait des crises de panique et des cauchemars.

Quel regard portez-vous sur le cinéma de votre pays ?

À une époque, dans les années 1960, le cinéma égyptien représentait 25% de notre PIB. Même si nous produisons moins de films de nos jours, depuis la Révolution, de plus en plus de personnes veulent s’exprimer, et en dehors du système. Les vrais problèmes que nous avons aujourd’hui sont la censure et la persécution. Chaque nouveau régime installe son nouveau code éthique et une nouvelle série de lignes rouges. Les membres du nouveau régime cherchent à prouver qu’ils sont plus conservateurs que leurs prédécesseurs, du coup maintenant nous avons un écrivain en prison pour avoir profané dans son roman, un producteur condamné pour obscénités dans son film, un journaliste et un présentateur télé incarcérés pour avoir critiqué l’Islam. Inutile de le dire, on ne se sent pas en sécurité en tant qu’artistes.  

Équipe du film - Eshtebak (Clash) © Léo Laumont / FDC
Équipe du film - Eshtebak (Clash) © Léo Laumont / FDC