Entretien avec Joe Penna, réalisateur d’Arctic

Photo du film Arctic © DR

Dans Arctic, présenté en Séance de Minuit, le Brésilien Joe Penna envoie Mads Mikkelsen dans un périple polaire et solitaire où sa survie est en jeu. « De loin le tournage le plus difficile » qu’ait connu l’acteur danois de ses propres dires. Le sujet du premier film du réalisateur attise la curiosité tant il détonne avec l’activité qui l’a d’abord fait connaître : ses vidéos musicales décalées sur YouTube.

Comment avez-vous eu l’idée de réaliser Arctic ?

Il y a deux ans, je suis tombé sur une image de Mars, version habitable. Je me suis demandé ce qui se passerait si quelqu’un devait échouer dans cet environnement presque viable. Cependant, l’histoire était étriquée à cause des techniques de survie dans une atmosphère sans oxygène. À la place, nous avons choisi de pousser notre personnage à combattre le froid dans le plus rude environnement sur Terre : le cercle arctique.

Le paysage est aussi important que le personnage du film ? C’est un personnage à part entière ?

Il n’y a rien qui ne montre la fragilité de l’humain de façon aussi sévère que la vue d’un petit point qui erre dans un infini océan de neige blanche. Rien ne représente la survie de manière aussi saisissante qu’un périple solitaire à travers une tempête de neige hurlante. La toundra était exactement le lieu où Arctic devait être tourné. C’est une parabole de l’homme contre la nature, oui, mais c’est aussi une histoire sur l’endurance et l’altruisme dans des conditions extrêmes.

Le froid, la neige… le tournage a dû être rude.

Le tournage était éprouvant, à la fois physiquement et mentalement. En particulier pour un Brésilien habitué au climat de Los Angeles. On a dû travailler sous des vents atteignant les 30-40 nœuds, les portes des voitures décrochées par le vent, les routes fermées, les camions coincés dans la neige loin du tournage… Les conditions changeaient à peu près toutes les heures, ce qui cassait les raccords météo. Toute l’équipe est restée imperturbable malgré des conditions brutales. Personne ne nous a abandonnés durant les dix-neuf jours de tournage.

Comment s’est déroulée la rencontre avec Mads ?

On a d’abord échangé sur Skype puis Mads a lu le script. Ce qui était censé être un court échange s’est transformé en deux heures de dissection du scénario. En plus de son physique unique, j’ai tout de suite compris que Mads serait parfait le rôle. Il a apporté un engagement sans faille au rôle.
Un plan très particulier m’est venu à l’esprit : montrer l’étendue de l’Arctique et y plonger notre personnage tel un point à peine visible, pris dans une vaste mer blanche. Un assistant en parka rouge aurait fait l’affaire mais Mads est resté ferme dans son engagement à apparaître dans chaque image du film.

Comment avez-vous insufflé l’esprit de votre travail sur YouTube dans votre film ?

J’essaie de créer mes vidéos YouTube de façon universelle. Souvent, il n’y a pas de dialogue. Elles reposent vraiment sur la musique, les expressions faciales, des éléments non verbaux. J’ai transposé cela dans la réalisation d’Arctic. L’absence de dialogue explicatif nous encourage à nous approcher, à essayer de déchiffrer les expressions, à admirer la performance silencieuse de notre personnage principal. Si ça se trouve, chaque spectateur aboutira à des conclusions différentes.