Gueule d’ange, le regard de Vanessa Filho

Photo du film Gueule d'ange © DR

Dans Gueule d’ange, premier film de la cinéaste française Vanessa Filho, Marion Cotillard incarne une mère vivant seule avec sa fille de huit ans qui décide, après une rencontre de boîte de nuit, de partir, la laissant livrée à elle-même.

Comment vous est venue l’idée de ce film ?

Ce film est né d’un besoin viscéral de raconter le manque d’amour, le sentiment d’insécurité, et la dépendance affective. J’avais l’envie de montrer des figures féminines dans leur complexité, leur force et leurs cassures, leurs résistances, à des moments de bascule, dans cette zone brûlante qui précède le passage à l’acte, et dans l’acte lui-même. Au travers de cette relation singulière qui unit cet enfant et sa mère, je voulais exprimer les sentiments qui lient ou délient mes deux personnages principaux, leur mal-être, leur façon d’être au monde, sans repères, sans accroches, les armes dont elles ne disposent pas, qu’elles s’inventent, maladroitement, jusqu’à la dépendance et l’addiction. En un sens, Gueule d’Ange est un film d’apprentissage, un film sur la renaissance.

Quelques mots sur vos interprètes ?

Dès les premiers mots échangés avec Marion, j’ai ressenti les prémisses des émotions qu’elle saurait donner à Marlène, tant elle parlait du personnage avec amour et empathie. Elle a composé le personnage avec grâce, en cartographiant progressivement sur son corps, les sentiments, les abandons, le mal être de Marlène. Quand Ayline Aksoy-Etaix est apparue lors des castings, j'ai eu la sensation de reconnaître Elli. Elle a imprimé une marque toute particulière au personnage, quelque chose en plus de ce que je lui demandais : une force, une indépendance, une liberté qui venaient d’elle. Elle a incarné le rôle avec une sensibilité et une intelligence d’une remarquable précocité. Alban Lenoir a idéalement incarné le personnage de Julio, à la fois taiseux, solitaire, énigmatique à sa façon, d’une sensibilité palpable mêlée à quelque chose d'enfantin. Alban peut avoir cette dureté grâce à son physique tout en conservant une part d'enfance dans le regard.

Qu’avez-vous appris durant la réalisation de ce film ?

J’ai sans doute expérimenté et vérifié un paradoxe : conjuguer l’obsession du détail, de tous les détails, nécessaire pour moi dans l’accomplissement du film, avec le plaisir constant d’être surprise, de vivre dans la création des “accidents” émotionnels. J’ai aussi éprouvé la capacité de résistance, impliquée par le combat à mener pour réaliser un premier film. Enfin, de façon plus personnelle, ce film m’a été cathartique en libérant des sentiments et des craintes irrationnelles.

Vos sources d’influence ?

Mes influences parcourent tous les arts, ce sont des artistes et des œuvres fortes qui ont façonné et inspiré mon désir de cinéma. Mon premier vrai choc cinématographique a été Bleu de Kieslowski que j'ai découvert à 13 ans ; j’ai été émue et marquée par son héroïne féminine, par la musique de Zbigniew Preisner. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que j’écrirais et que je serais réalisatrice.

Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?

J’ai en effet deux scénarios en développement, Le Verbe aimer et Le Chant de la terre, ainsi qu’une pièce de théâtre, La Constance des sentiments. En parallèle, la photographie tient une place essentielle dans ma vie, je développe depuis plusieurs années Résistances – un projet expérientiel qui allie photographie, images filmées et performances scéniques.