Meurs, Monstre, Meurs, le regard d’Alejandro Fadel

Photo du film Muere, monstruo, muere (Meurs, monstre, meurs) © DR

Cinquième participation et quatrième long métrage au Certain Regard pour l'argentin Alejandro Fadel. Avec Muere, Monstro, Muere, celui qu'on connaissait comme scénariste signe sa première réalisation en Sélection. Dans sa région d’origine, Mendoza, il filme les apparitions brutales et inexplicables d'un monstre….

Racontez-nous la genèse de votre film

Les deux films que j’ai réalisés jusqu’à présent sont partis d’idées quasi documentaires : sélectionner des lieux, des personnes et aussi, des procédés productifs du travail agricole. Et la fiction apparaît lentement, comme quelque chose d’inévitable. Ici, l’aspect documentaire était encore plus évident car j’ai décidé de filmer à Mendoza, la province argentine où je suis né. J’ai travaillé sur mes propres souvenirs. C’est dans ce lieu opaque, entre expérience et imagination, que le film s’est construit.

Une des images qui m’ont marqué il y a quelques années est devenue un jeu argumentaire : le volcan Maipo reflété sur la Lagune du Diamant, en deux triangles parfaits. C’est ainsi que j’ai terminé de construire l’histoire : un triangle amoureux, la mort d’une femme et le reflet inverti de ce triangle. Devant le vide d’un amour perdu, surgit le récit fantastique, le Monstre. Deux hommes et une femme, deux hommes et le Monstre. Et cette image simple et belle du volcan sur la lagune m’a permis d’orienter la mise en scène, en travaillant sur certaines idées visuelles de symétrie et de reflets.

L’atmosphère du tournage ? Une anecdote de plateau ?

J’aime quand règne un certain chaos. Ici, la majeure partie du film était tournée en extérieur, en hiver, dans des zones de haute montagne. Le film s’est adapté à ce que la réalité pouvait nous offrir, et non l’inverse. J’aime travailler ainsi, mettre le scénario à l’épreuve, avec une marge d’erreur et de hasard suffisante.

À titre d’exemple : dans notre planning, nous avions prévu de filmer des routes et des montagnes précises pendant une journée, des lieux indiqués par le scénario. Quand ce jour est arrivé, nous sommes partis filmer aux aurores et lentement, nous avons vu la brume recouvrir la montagne, puis les chemins. Nous ne voyions plus à quatre mètres de distance, et ce qui devait être une journée de panorama, était devenue journée de brume. Nous avons donc réécrit et repensé les scènes, et nous avons recommencé à tourner. Dès le début, la brume a commencé à se dégager. Nous nous sommes regardés, nous avons ri, et nous sommes donc revenus au plan initial. Toute la journée a oscillé ainsi entre ces deux atmosphères. Et au final, nous n’avons tourné ni la séquence initialement prévue, ni celle que l’on prétendait improviser. Les films se construisent ainsi, sur des difficultés techniques ou de production, et sur des humeurs humaines…

Quelques mots sur vos interprètes ?

Des deux interprètes, je n’en avais qu’un en tête (Esteban Bigliardi) avant d’écrire le scénario. L’autre a toujours été un mystère. J’étais cependant convaincu que pour ce personnage, il fallait un acteur qui se retrouve pour la première fois sur grand écran. Je cherchais un visage, un accent. Víctor López est apparu et le personnage a cessé de n’être qu’une idée. Par ailleurs, j’essaie de ne pas charger mes personnages de psychologie car ce sont les corps qui m’intéressent le plus : les voix, les mouvements, et la construction dramatique.