Oranges Sanguines, la mosaïque sanglante de Jean-Christophe Meurisse

Photo du film Oranges Sanguines © Rectangle Productions / Mamma Roman

 

Un couple surendetté, un ministre fraudeur, un détraqué sexuel et une adolescente barbare : tel est le cocktail explosif de personnages déployé par Jean-Christophe Meurisse dans son second long métrage. Présenté en Séance de minuit, Oranges Sanguines crée des passerelles entre les âmes d’une société à bout de nerfs.

Comment vous est venue l’idée du film ?

Je voulais faire un film choral. Le scénario est inspiré d’un fait divers qui s'est déroulé en 2015 aux États-Unis. Une jeune fille s’était vengée de son violeur en lui faisant manger ses testicules après l’avoir torturé. J’ai trouvé cette histoire d’une sauvagerie folle. Mais elle disait quelque chose de notre société. Ce fut la première pierre du long métrage.

Vous dressez le portrait d’une société en crise…

C’est notre quotidien et je pense que la réalité est plus violente encore. C'est un film qui dit qu’on est finalement tous des oranges sanguines. C'est un western social de notre époque avec des méchants qui finissent par se rencontrer !

Quels étaient vos souhaits pour mettre en image cette mosaïque ?

Je n'avais pas une volonté esthétique affirmée car je pense toujours d’abord en termes de situations. Ceci dit, j'avais la volonté que les séquences soient en permanence en mouvement et que les mouvements diffèrent selon les personnages. Je travaille souvent à deux caméras parce que d’une prise à l’autre n’émerge jamais la même chose. Le champ/contrechamp, je trouve ça vain.

Comment dirigez-vous vos acteurs ?

J’aime les pousser à improviser dans des situations écrites. Je préfère chercher l'accident. J’orchestre pendant qu'on tourne et je me mets en condition émotive pour pouvoir arriver à ce que je veux. Et au final, j’ai beaucoup de rushes !

Vous tournez vos personnages en dérision grâce aux décors…

Mon attirance pour les grands lieux où les êtres humains paraissent petits pousse à une forme d'absurdité. C'est parce que je suis un grand amateur de Sempé et de bandes dessinées.

Un mot sur votre collaboration avec Fred Blin, qui interprète le détraqué sexuel ?

Avec Fred, on voulait construire un grand méchant à l'américaine. On souhaitait un vrai personnage de BD, très méchant et sadique, et comme tout grand sadique, très intelligent.

Et son immense cochon ?

On dirait un animal préhistorique et pourtant, il est gentil comme un petit chat. Pour sa scène, je voulais que Fred lui donne à manger des saucisses de porc pour montrer à l'image une forme de cannibalisme. Mais on a eu un cas de conscience parce qu’un porc qui mange du porc… On a finalement fabriqué des saucisses de compote de pommes !

Un mot sur les humoristes du casting, Blanche Gardin et Vincent Dedienne ?

Je savais qu’ils sauraient accepter le challenge de l'improvisation et être drôles. On les a toutefois fait beaucoup répéter en amont pour qu’ils puissent sentir la situation et les rapports entre les personnages. Ils avaient une partition.

Et le montage du film ?

Pour moi l'écriture d’Orange Sanguines a vraiment débuté au montage. Il y a eu une écriture consciente au scénario et une autre au tournage, qui est pour moi l'endroit de l’inconscient. Le retour à la conscience, c’est le montage. Le résultat, c’est que le processus est assez long. On a terminé le tournage début décembre 2020 et le montage en mars dernier.