Retour à Séoul, le regard de Davy Chou
Dans Retour à Séoul, son troisième long métrage, le cinéaste franco-cambodgien Davy Chou raconte l’histoire de Freddie, une jeune femme de 25 ans qui retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née, pour retrouver ses origines. Un film dont le récit explore, sur huit années, le thème de l’adoption internationale.
Quelle est la genèse de votre film ?
En 2011, je suis allé présenter mon premier long métrage documentaire au Festival International du Film de Busan, en Corée du Sud. Une amie qui est née en Corée du Sud et a été adoptée en France à l’âge d’un an m’a alors accompagné pour me montrer ce qu’elle appelait « son pays ». C’était la première fois qu’elle y retournait et sur place, elle a revu son père. On a pris un bus, puis je me suis retrouvé à déjeuner avec son père et sa grand-mère biologiques. Cette expérience m’a remué. Dans cet échange, il y avait tout un mélange d’émotions, de la tristesse, de l’amertume, de l’incompréhension, des regrets… Comme cette situation avait touché quelque chose de profond en moi, je me suis dit qu’un jour, peut-être, je réaliserais un film là-dessus.
Quelques mots sur votre actrice principale, Park Ji-Min ?
Je rencontré Park Ji-Min, qui incarne Freddie, par l’intermédiaire d’un ami, Erwan Ha Kyoon Larcher, lui-même artiste coréen adopté. On a discuté ensemble du film, et le personnage lui a fait penser à Park Ji-Min, avec qui il m’a mis en contact. Elle-même est une artiste plasticienne au travail passionnant, elle est née en Corée du Sud et est arrivée en France à huit ans. Il était clair que je voulais quelqu’un qui ait un lien avec la Corée du Sud, pas juste une actrice asiatique, ce qu’on m’avait d’abord suggéré. Pour le casting, j’ai donc rencontré pas mal de personnes d’origine coréenne qui ont vécu une adoption. Je les ai écoutées, ça a beaucoup nourri le film. Mais quand j’ai rencontré Park Ji-Min, qui n’est pas adoptée, il y a eu comme une évidence. Elle n’avait jamais joué la comédie, mais elle pouvait atteindre de manière intuitive et impressionnante ces zones d’émotions très extrêmes, entre ultra violence et ultra vulnérabilité, requises par le personnage de Freddie.
Que vous a appris la réalisation de ce film ?
Pendant la préparation, Park Ji-Min m’a poussé dans mes retranchements. Elle est venue avec des questionnements, voire des critiques par rapport au scénario. Elle s’interrogeait sur le rapport du personnage à la féminité, au genre, aux hommes. Ces discussions, qui étaient parfois dures et qui ont duré plusieurs mois, m’obligeaient à me remettre en question. Je me rendais compte que ma position de réalisateur homme avait pu me conduire à reproduire certaines formes de cliché. J’ai compris qu’il fallait que je change de perspective et ça été libérateur.