Benjamin Lavernhe dans les pas de l’Abbé Pierre chez Frédéric Tellier

Il y a mille vies dans celle d’Henri Grouès, tour à tour prêtre à la santé fragile, résistant maquisard et député à la Libération. Il y a surtout la légende, celle de l’Abbé Pierre, nom qu’il s’est choisi, celui d’un homme de paix engagé corps et âme contre le mal logement. Frédéric Tellier rend hommage à cette destinée romanesque dans L’Abbé Pierre – Une vie de combats, porté par Benjamin Lavernhe et présenté Hors Compétition. Rencontre avec le réalisateur et son acteur.

À l’origine du film
Frédéric Tellier : Il y a eu beaucoup de choses. D’abord, ma mère était allée à une conférence et m’en avait parlé. Puis c’est un sujet que j’ai abordé avec les producteurs alors que nous cherchions un nouveau sujet. Il y aussi probablement ma propre colère du monde en ce moment. Je connaissais finalement assez mal l’histoire de sa vie, hormis quelques points saillants, comme beaucoup de gens de mon âge ou plus jeunes encore. Il a fallu du temps avant d’être convaincu qu’il y avait matière à raconter un film.

La documentation
Frédéric Tellier : C’est un peu ma spécialité, les grosses enquêtes, même si celle-ci n’a pas été très longue. Il y avait énormément de matière déjà existante à laquelle j’ai eu accès, parce que j’étais très proche de la Fondation Abbé Pierre et du mouvement Emmaüs, donc très proche des archives. Et comme il s’agit d’une reconstitution historique, pour cette documentation, j’ai travaillé avec des journalistes spécialisés. On a récolté presque 5 000 photos, dont beaucoup sont inédites, des documents vidéos et des lettres écrites dans son échange épistolaire avec François Garbit, son grand ami.

Incarner une légende
Benjamin Lavernhe : C’est un rôle unique dans une vie. Incarner l’Abbé Pierre comble le plaisir du comédien car il était un grand tribun, un grand orateur, qui avait le pouvoir de toucher au cœur par ses prises de paroles. Il avait une grande dimension théâtrale. Cela est mis au service d’un film multiple, d’aventure, d’histoire et terriblement engagé. C’est un homme bouleversant de complexité. On montre sa force comme ses fragilités et ses doutes.

L’acteur et le personnage
Benjamin Lavernhe : C’est la première fois que j’incarne quelqu’un d’aussi connu et d’aussi aimé. Il y a quelque chose de très sérieux dans l’exercice. Ça supposait un grand travail de documentation, de rencontres avec ses proches. C’est aussi en étant au plus près de moi que j’ai pu servir le personnage. Il n’était pas question de l’imiter ou de le singer. Ce qui compte, ce sont les signes. C’est à la fois se connecter à son énergie, son phrasé et incarner la manière dont il est habité.