Bread and Roses : le Kaboul des Talibans dans l’œil de Sahra Mani
En 2018, le film coup de poing de Sahra Mani, A Thousand Girls Like Me, documentait la quête de justice d’une jeune femme victime d’inceste en Afghanistan. Avec Bread and Roses, la réalisatrice afghane témoigne de la dégradation des droits de la femme à Kaboul. Une Séance spéciale au cœur de l’enfer Taliban. Entretien.
Comment avez-vous réussi à tourner ce nouveau documentaire alors que Kaboul est aux mains des Talibans ?
Ce film n’a pas été facile à réaliser. Maintenant que les femmes ne peuvent plus sortir de chez elles sans leur chaperon, j’ai pensé que nous devions raconter nos histoires, des histoires de femmes hors du commun sous la dictature théocratique des Talibans. La sécurité de l’équipe de tournage et des personnes suivies a été une priorité, le danger était omniprésent, et il y a malheureusement eu des arrestations.
Votre dernier documentaire, A Thousand Girls Like Me, traitait également de la lutte d’une femme pour ses droits.
Les deux films représentent la réalité de la vie des femmes dans mon pays. Toutes les figures féminines qui m’entourent sont une source d’inspiration. La plupart de mes camarades de classe ont été mariées de force avant leur majorité. Je les ai vues lors de leur nuit de noces, comme allongées dans un cercueil avec leurs rêves brisés. C’était un film d’horreur pour moi. Ces deux projets sont à mes yeux essentiels, j’étais obligée de les réaliser.
Parlez-nous des femmes qui incarnent le documentaire.
Ces trois femmes modernes évoluent dans une communauté où elles ne sont pas autorisées à reprendre leur travail et à étudier. Si nous voulons construire notre avenir en Afghanistan, nous avons besoin de femmes éduquées, capables de mettre leur talent au service de la société. La façon dont leur vie a changé sous les la loi des Talibans fait partie de notre réalité, celle d’une vie sous dictature, une réalité douloureuse que nous ne pouvons ignorer.
Le titre est-il une référence à Bread and Roses, de Ken Loach ?
Ken Loach est mon cinéaste préféré, mais le titre fait référence au célèbre slogan politique américain et au poème de James Oppenheim. Dans mon film, les Afghanes chantent : « Pain, travail, éducation et liberté ! » C’est ce qu’elles veulent, elles demandent des droits fondamentaux. La rose peut être le symbole de la liberté et d’une vie digne.
La résilience est l’un des principaux thèmes du film. Comment trouver l’espoir dans une situation aussi désespérée ?
Je réfléchis toujours à la meilleure manière dont nous pouvons, en tant qu’êtres humains, vivre avec notre douleur. L’humour est une bonne réponse à toutes ces misères, mais ce n’est pas toujours suffisant.
Dans le cas présent, la situation désespérée en Afghanistan n’a pas été causé par Dieu mais par nos dirigeants. Nous le savons et nous devons y mettre un terme. Nous ne cessons de dire que faire la paix avec les Talibans, c’est condamner les femmes afghanes.