Kaouther Ben Hania déploie un dispositif exceptionnel en Compétition

LES FILLES D'OLFA © Twenty Twenty Vision

Une expérience singulière de cinéma attend les spectateurs du Grand Théâtre Lumière avec Les Filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania. La réalisatrice tunisienne, qui figurait au Jury des Courts Métrages et de la Cinéfondation en 2021, y brouille les frontières entre documentaire et fiction, entre champ et hors-champ, entre douleur et allégresse.

Alors qu’elle travaille sur son film Zaineb n’aime pas la neige, Kaouther Ben Hania est happée par une histoire à la radio. La mère de quatre adolescentes témoigne de la disparition tragique de ses deux aînées. Cette femme, c’est Olfa. L’histoire est aussi riche que trouble, elle hante la réalisatrice, au point d’entrer en contact avec la mère.

La forme documentaire s’impose. Kaouther Ben Hania se distingue dans le genre depuis Les Imams vont à l’école (2010) et Le Challat de Tunis (2014). Elle convoque néanmoins deux actrices pour incarner les filles disparues d’Olfa. Mais après les premiers tournages, le film s’enlise. Olfa, à force d’interviews rudes à la télé et à la radio, s’est créé un rôle formaté, empêchant d’accéder à sa vérité profonde.

Une idée débloque tout : faire incarner Olfa par l’actrice Hend Sabri et filmer les échanges entre les deux femmes, les coulisses d’une fiction. Face à Hend Sabri, Olfa s’est sentie en confiance, écoutée pour la première fois.

La réalisatrice explique : « Creuser les contradictions, les sensations, les émotions demande un temps que les journalistes n’ont pas. » Elle ajoute :

 

« C’est le rôle du cinéma d’aller explorer ces zones-là, ces ambiguïtés de l’âme humaine. »

 

Pour favoriser l’introspection d’Olfa et de ses filles, Kaouther Ben Hania installe ses personnages dans un décor unique, créé dans un hôtel de Tunis, spécialement pour le tournage. En résulte un portrait au pluriel de femmes, drôles et lumineuses malgré les drames traversés.