Le Règne animal, le regard de Thomas Cailley

LE RÈGNE ANIMAL © 2023 Nord-Ouest Films, Studiocanal, France 2 Cinéma, Artémis Productions

En ouverture d’Un Certain Regard, la salle Debussy accueille Thomas Cailley avec Le Règne animal. Il y imagine une humanité en proie à une mutation, de l’homme vers l’animal. Ces « créatures » sont suivies dans des centres spécialisés, mais un jour, après l’accident d’un convoi, certaines se dispersent dans la nature. Parmi elles, une femme. Son mari et son fils partent à sa recherche.

Racontez-nous la genèse de votre film.
En participant à un jury en 2019, j’ai lu un scénario écrit par Pauline Munier, dans lequel certains humains se trouvaient transformés, dotés de traits animaux. L’idée m’a immédiatement touché, elle était au carrefour de toutes mes envies d’écriture, d’un film à la fois fantastique et totalement ancré dans notre époque. J’ai tout de suite proposé à Pauline qu’on écrive ensemble.

 

« À travers cette hypothèse fantastique, le récit parle de transmission, des mondes qu’on souhaite léguer, de ceux dont on hérite, qu’on détruit, ou qu’il reste peut-être encore à inventer. »

 

 

Il y est aussi question de corps et de pulsions, de désir et de désordre, de notre part sauvage.

L’atmosphère du tournage ?
Le tournage devait durer 11 semaines, il s’est finalement étalé sur 5 mois, à cause des incendies géants qui ont ravagé le sud-ouest de la France durant l’été 2022. Les feux nous ont littéralement encerclés, au point de devoir mettre le film en pause et entreprendre de nouveaux repérages pour remplacer les décors qui ont malheureusement brûlé. Sur les dernières semaines de tournage avant l’arrêt forcé, à la lumière de l’été s’est ajoutée une ambiance très singulière qu’on sent dans le film, due à la sécheresse et aux nuages de cendres qui couvraient le ciel certains jours. Des lumières improbables, étranges et menaçantes.

Quelques mots sur vos interprètes ?
Au centre du film, il y a un duo père-fils. François, le père, est un personnage entier. Il a quelque chose d’absolu, de romanesque. C’est aussi un rôle très physique. Des qualités qui sont également celles de Romain Duris, que je souhaitais rencontrer depuis longtemps. Romain lui a donné une vitesse, une précision, une physicalité très pure.

C’est rare pour un jeune homme comme Paul Kircher [dans le rôle du fils] d’être de quasiment tous les plans d’un film qui comporte des scènes d’action, d’émotion, de jour comme de nuit, pendant plus de 60 jours… Paul a travaillé énormément, avec beaucoup de rigueur. Le tournage a été précédé d’un long travail avec une chorégraphe pour explorer son langage corporel, ses mouvements, la perception du monde qui l’entoure. Il a des ressources insoupçonnées. Quelque chose bouillonne en lui, une énergie indomptable, une part sauvage.

Que vous a appris la réalisation de ce film ?
Je donne beaucoup d’importance à la période de préparation qui précède le tournage. Sur Le Règne animal, la préparation a duré plus de dix mois, à cause de la complexité des enjeux de mise en scène. En plus des « créatures », la nature du récit est de combiner des scènes intimes et d’autres spectaculaires, qui ont nécessité un énorme travail de préparation. La préparation a donc été particulièrement collective. Apprendre à dialoguer avec autant de corps de métiers différents (dessinateurs, sculpteurs, storyboarders, maquilleurs, animatroniciens…) était totalement nouveau pour moi, mais s’est avéré passionnant.