Les Meutes, le regard de Kamal Lazraq

LES MEUTES © Barney Production - Mont Fleuri Production - Beluga Tree

Son film de sortie d’école, Drari, lui avait valu le 2e prix de la Cinéfondation en 2010. Kamal Lazraq est de retour à Cannes avec son premier long métrage, Les Meutes, tourné à Casablanca. Le film s’immisce dans la relation entre Hassan et Issam, un père et son fils qui vivent de petits trafics. Tous deux se voient un jour confier une mission très périlleuse.

Racontez-nous la genèse de votre film.
J’ai réalisé un court métrage de 30 minutes, Moul Lkelb (L’homme au chien), qui se passait au cours d’une seule nuit, dans le milieu des combats de chiens. C’est ce court qui m’a amené vers Les Meutes, dans le prolongement du même univers.

Quelques mots sur vos interprètes ?
Dans Les Meutes, il n’y a quasiment que des non professionnels, comme dans mon film Drari, que j’ai tourné à Casablanca. J’ai remarqué Ayoub Elaïd (Issam, le fils) sur une photo, il me faisait penser à Franco Citti dans Accatone. Je l’ai rencontré, je l’ai filmé, il dégageait vraiment ce côté pasolinien. J’ai continué à chercher et quand j’ai voulu revoir Ayoub, il avait disparu. On l’a recherché et retrouvé dans son village. Il est revenu vers nous sans comprendre : “Je ne suis pas acteur” disait-il. Il a fallu le convaincre.
C’est Ayoub qui m’a présenté Abdellatif Masstouri. Il tenait un petit stand de sardines grillées. Son visage, à la fois solaire et marqué, m’a impressionné. La vie d’Abdellatif est très chargée, romanesque : il a bourlingué en Europe, a été champion de taekwondo, fait de la prison… Il avait quelque chose à exprimer. On a fait des essais avec les deux acteurs et ça a fonctionné.

L’atmosphère du tournage ?
Travailler avec des non professionnels ouvre à des imprévus. Mes acteurs viennent de milieux sociaux très difficiles, ils connaissent des addictions. J’ai réécrit certaines scènes le matin au pied levé parce que l’un des acteurs n’y arrivait pas. J’avais prévenu l’équipe et le chef opérateur que les deux acteurs seraient le cœur du film, qu’ils étaient supers mais n’étaient pas des professionnels. Le but était de ne pas abîmer leur intensité naturelle par trop de contraintes techniques. Ils n’arrivaient pas à respecter les marques, par exemple, donc notre méthode devait s’adapter à eux.

Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre film ?
En écrivant le scénario, je ne voulais pas charger le film de psychologie, il me semblait que ce rapport père-fils serait plus fort en passant par des attitudes, des regards, des silences… En tant que spectateur, je pense que c’est plus intéressant de ne pas avoir toutes les clés, d’avoir un espace d’interprétation et de liberté de lecture.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisateur ? Vos sources d’influence ?
C’est à Paris que j’ai découvert certains films qui ont été un déclic, des films très différents de ceux que je ferai par la suite. Par exemple, Sonate d’automne d’Ingmar Bergman a été mon premier choc, celui qui m’a fait comprendre toute la puissance émotionnelle que pourrait receler le cinéma. Ensuite, j’ai découvert des films plus proches de ce que je fais maintenant : le néoréalisme italien, les films de Ken Loach, le cinéma américain des années 1970… Puis j’ai passé le concours de la Fémis, école où j’ai vraiment commencé à faire des films.