Rencontre avec Rungano Nyoni, membre du Jury des Longs Métrages

Rungano Nyoni © Maxence Parey / FDC

Membre de la Résidence du Festival en 2013, la cinéaste zambienne avait créé la sensation en 2018 avec son premier long-métrage, I’m Not a Witch, projeté à Cannes, et qui a reçu le BAFTA du premier film. En pleine préparation de son nouveau film, elle a rejoint le Jury des Longs Métrages de cette 76e édition. Conversation autour de ses méthodes de travail et des influences qui nourrissent sa cinéphilie.

Comment évolue la dynamique de groupe au sein du Jury de Ruben Östlund ?

Il a pris les rênes très vite, ce qui est plaisant. Ruben Östlund fait beaucoup d’efforts pour instaurer une bonne ambiance, je pense que nous sommes tous satisfaits au sein du jury. Nos échanges sont amicaux et diplomates.

Vous représentez la Zambie au sein du Jury des Longs Métrages pour la première fois de l’histoire du Festival. Qu’est-ce cela représente pour vous ?

Cela compte beaucoup pour moi. Peu de personnes connaissent la Zambie, donc l’enjeu de ce jury est encore plus grand pour moi. En plus de mettre mon pays en avant, j’ai un peu l’impression de représenter le continent africain dans sa globalité donc la dimension est encore plus grande.

Quels sont vos références au cinéma ? Qu’est-ce qui vous inspire ?

J’ai des goûts très occidentaux en matière de films. J’aime beaucoup Paul Thomas Anderson. Il y a aussi les classiques avec, Stanley Kubrick par exemple. Et Ruben Östlund est également l’un de mes cinéastes préférés.

Vous avez-eu l’occasion de le lui dire ?

Non surtout pas, je n’ai pas envie de passer pour une groupie !

Il y a 14 ans, vous réalisiez les courts-métrages 20 Questions et The List. Quels conseils donneriez-vous à la Rungano Nyoni de 2009 ?

Je pense que c’est elle qui devrait me prodiguer des conseils. Les jeunes cinéastes prennent plus de risques : ils investissent leurs économies personnelles dans leurs tournages et osent plus de choses. Avec les années, cette audace s’atténue inévitablement car au fil des succès, d’autres personnes commencent à investir de l’argent dans votre travail, cela nous fait sentir redevable. Le projet n’appartient plus uniquement à nous, il faut composer avec de plus en plus de personnes, donc les prises de risque se font moins nombreuses. La Rungano Nyoni de 2009 me conseillerait sûrement d’être plus audacieuse dans mes projets.

Quelle est votre étape préférée dans le processus de création d’un film ?

J’ai une relation d’amour/haine avec le processus d’écriture d’un film. J’adore m’isoler pour écrire. Je travaille mieux quand il n’y a personne autour de moi, quand il n’y a pas d’interférences avec le monde extérieur. Le plus compliqué pour moi est l’après, quand il faut confronter le fruit de ce travail au reste de l’équipe du film. C’est pour cela que l’écriture peut être à la fois la meilleure et la pire des choses.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience à la Résidence du Festival ? Quel souvenir en gardez-vous ?

C’était incroyable. Je me suis retrouvée avec cinq autres jeunes cinéastes très talentueux, c’était un peu intimidant. Nous avions rencontré beaucoup de monde et notre groupe était très soudé : c’était comme être en colonie de vacances. Tout allait très vite et cette équipe m’a permis de garder la cadence.

Je me réveillais tous les matins en voyant le logo du Festival de Cannes, c’était envoûtant. Nous faisions beaucoup d’activités culturelles pour développer notre réflexion critique dans tous les domaines. C’était une façon pour nous de nourrir notre cinéma autrement.

Vous êtes née en Zambie, vous avez fait vos études à Londres et vous vivez à Lisbonne… En quoi ces étapes de votre vie, ces zones géographiques, nourrissent-elles votre cinéma selon vous ?

Le choix de ces lieux de vie a été bien plus souvent le fruit d’un pragmatisme que d’une envie d’inspiration artistique. Je suis partie vivre au Royaume-Uni pour suivre ma mère dans ses études. J’ai ensuite déménagé à Londres pour devenir réalisatrice de films, puis je me suis installée à Paris. Ces villes et ces pays sont très inspirants, mais pas autant que Lisbonne, où j’arrive à écrire sans penser à rien. Bientôt, je déménage en Bretagne. Peut-être que mes prochains films seront influencés par cette région !

Quel est votre souvenir le plus marquant de projection en salle ?

C’était une séance pour Le Ruban Blanc, de Michael Haneke. Sur l’instant, je n’avais pas du tout apprécié, j’avais trouvé le film très prétentieux. Puis les images sont restées dans ma tête, elles m’ont possédée. Au bout d’une semaine, j’étais tombée amoureuse de l’œuvre, qui a d’ailleurs obtenue la Palme d’or en 2009. C’est aujourd’hui l’un de mes longs-métrages préférés. Il est comme gravé dans ma tête, c’est une sensation très étrange que je n’ai eue qu’avec peu de films.

Pouvez-vous nous parler de votre prochain film, On Becoming a Guinea Fowl ?

Le montage est presque fini. Je suis à la croisée des chemins avec ce nouveau long-métrage. Si tout se passe bien, des gens pourront le voir prochainement.