Rien à perdre, le regard de Delphine Deloget

RIEN A PERDRE

Lorsqu’une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement et Sylvie (Virginie Efira), sa mère, au travail, un signalement est fait et Sofiane est placé en foyer. Armée d’une avocate, Sylvie est persuadée d’être plus forte que la machine judiciaire. Dans Rien à perdre, son premier long métrage, Delphine Deloget aborde la question de la protection de l’enfance et de la lutte contre l’adversité.

Comment est né votre film ?

À l’origine, il y avait l’envie de filmer ce qui reste d’une famille quand tout explose, à commencer par une friteuse, un soir, dans un appartement… et comment une famille apprend dans la douleur à vivre les uns sans les autres. L’histoire du placement est venue plus tard, au cours de l’écriture, pour dire cette difficulté : la douleur, mais aussi la nécessité de quitter ceux qu’on aime. 

Comment s’est déroulé le tournage ?

Nous avons tourné en plein COVID avec des arrêts forcés, des comédiens secondaires qui changeaient à la dernière minute, des changements de lieux à la dernière minute, et un plan de travail très serré. Chacun devait rester concentré à son poste. Il y avait une sorte d’état d’urgence permanent. Des journées avec de vrais moments de grâce où les planètes s’alignent et d’autres où rien ne va, où tout ne tient qu’à un fil. Il n’y a jamais eu de rythme de croisière. Et c’est un tournage à l’image de ce que vit le personnage de Virginie Efira.  

Quelques mots sur vos interprètes ?

Je voulais filmer cette rencontre sur le plateau entre des comédiens confirmés et d’autres qui n’avaient presque jamais joué ou qui venaient plutôt du théâtre.  L’idée n’était pas d’aller chercher des amateurs mais des comédiens, des artistes d’horizons différents. J’avais envie de voir ce que cela pouvait donner en termes de jeu, d’énergie sur le plateau… J’ai passé beaucoup de temps en casting car pour le moindre petit rôle, je voulais voir des essais, rencontrer les comédiens, pour voir si ça pouvait coller.

 

« J’avais envie de filmer ce qui reste d’une famille quand tout explose. »

 

Que vous a appris la réalisation de ce film ?

C’est un premier long métrage. Je pense qu’il n’y a pas une erreur que je n’ai pas faite ! En même temps, j’ai tout pensé et réalisé avec une certaine insouciance. J’ai appris beaucoup mais je suis persuadée que ce que j’ai appris ne me servira à rien si je me lance dans un deuxième film. J’ai réalisé beaucoup de documentaires et à chaque nouveau film, c’est une page blanche, de nouveaux défis, une nouvelle façon de penser… et on se rend compte au final que ce qu’on a appris du précédent film, mieux vaut le désapprendre, le mettre à la poubelle pour garder l’esprit libre. 

Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre film ?

J’aimerais bien qu’on retienne les personnages du film. Qu’on se souvienne d’eux comme ayant existé un jour. En documentaire, les gens que l’on filme existent avant et après nous. En fiction, avant nous et après nous, il y a du vide, du rien. Et forcément j’aimerais qu’il reste une trace d’eux quelque part.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ?

Je n’ai pas le sentiment d’avoir décidé de devenir réalisatrice. Vouloir faire des films, c’était une drôle d’idée que je ne pouvais pas avouer. Ce n’était pas dans le champ des possibles. Mais j’avais envie de fabriquer de l’image, du son, du récit… très certainement pour donner du sens à ce qui m’angoisse. J’ai commencé par le documentaire car on peut créer avec peu de moyens. Le désir de fiction est né peu à peu de mes rencontres avec des producteurs, les comédiens, les scénaristes, et avec cette prise de conscience qu’en « fabriquant du faux », on peut viser encore plus juste.