Rosalie, le regard de Stéphanie di Giusto

ROSALIE © 2023 TRESOR FILMS - GAUMONT - LDRPII - ARTÉMIS PRODUCTIONS

Après La Danseuse en 2016, Stéphanie di Giusto présente Rosalie Au Certain Regard, dans l’intimité d’une femme qui porte une barbe, jouée par Nadia Tereszkiewicz.

Racontez-nous la genèse de votre film.

Après mon premier film La Danseuse, je voulais prendre le temps d’écrire. Suite à la mort de mon père, j’ai ressenti un grand vide et un sujet s’est imposé. Après Loïe Fuller, j’ai croisé le chemin d’une autre femme hors du commun : Clémentine Delait. Une femme à barbe qui connut la célébrité au début du XXe siècle. Ce visage féminin avec une barbe me fascinait. J’avais des photos, un regard, un mystère à explorer. Je savais qu’elle avait refusé de devenir un banal phénomène de foire mais avait au contraire voulu être « dans la vie », avoir une vie de femme. Après une longue recherche, je n’ai voulu garder de la véritable histoire d’une de ces femmes atteintes d’hirsutisme (c’est le nom scientifique de ce trouble) que ce qui me touchait. Je n’avais pas envie de faire un biopic.

 

« J’ai abordé mon sujet avant tout comme une histoire d’amour. »

 

L’atmosphère du tournage ?

C’était très important pour moi que mes deux acteurs ne se rencontrent pas avant le tournage. Nous avons filmé dans l’ordre chronologique, je voulais qu’ils se découvrent tout au long du film pour faire naître les sentiments peu à peu comme dans l’histoire. Nadia et moi habitions sur le décor, dans ce petit village isolé en pleine forêt bretonne, nous étions très connectées. Elle commençait à se faire maquiller à 5h du matin, chaque poil était collé un à un sur sa peau comme un rituel solennel. Je ne voulais pas tricher et poser un simple « postiche » à l’actrice qui avait besoin d’y croire elle aussi. Ce travail minutieux et obsessionnel lui a permis de posséder le personnage, complètement, charnellement. Malgré ces contraintes, je voulais qu’elle garde toujours son enthousiasme naturel qui correspondait à Rosalie.

Une anecdote de plateau ?

Benoit Magimel arrivait en permanence sur le décor dans l’humeur du personnage, jamais déconcentré par le reste. C’était très dur au début pour Nadia avec sa barbe, de se sentir autant rejetée par cet acteur qu’elle aimait tant mais c’était pour le bien du film et elle le comprenait. Elle s’en servait. Quand elle avait la barbe, il n’arrivait même pas à la regarder, mais elle a su s’imposer peu à peu et il a pu oublier cette barbe, comme dans l’histoire.

Quelques mots sur vos interprètes ?

Je n’arrivais pas à trouver l’actrice pour jouer Rosalie. Je connaissais Nadia de mon premier film puisque je l’avais choisie comme jeune danseuse dans la troupe de Loïe Fuller. Quand elle est venue au casting, c’est une des rares actrices qui n’a pas eu de « coquetterie d’actrice »… Elle a une énergie très pure, un enthousiasme naturel dont j’avais besoin pour le personnage. Même avec une barbe, elle dégage une sensualité troublante. Enfin, rien n’aurait été possible sans le miracle de la présence de Benoît Magimel. C’est à travers le regard d’Abel que l’on capte l’émotion de Rosalie. Je savais qu’il allait être difficile et courageux pour un acteur d’accepter cette mise à nu. Seul Benoit me semblait capable de cette incarnation à la fois sensible et animal, intérieure et physique.