The Old Oak : entretien croisé avec Ken Loach et Paul Laverty

The Old Oak de Ken Loach © Joss Barratt / Sixteen Films

En salle le 25 octobre : The Old Oak, dernier film d’une collaboration de 30 ans entre Ken Loach, double lauréat de la Palme d’or avec Le Vent se lève (2006) et I, Daniel Blake (2016), et le scénariste Paul Laverty. Dans le pub d’une ancienne cité minière du nord-est de l’Angleterre, les habitués voient d’un mauvais œil l’installation de réfugiés syriens. Comment deux communautés traumatisées peuvent-elles cohabiter ? D’où peut surgir l’espoir ? À 87 ans, le cinéaste engagé continue de dénoncer sans relâche le cynisme du système britannique. Entretien croisé.

Quel a été votre angle d’attaque sur ce film?

Ken Loach : Le film parle de conflits, de privation et d’aliénation par rapport à des dirigeants politiques qui prospèrent sur de la pauvreté. L’histoire se déroule dans une ancienne région minière du Nord-est de l’Angleterre qui a été négligée au cours des 40 dernières années. Le parti de droite, les Tories, qui a fermé les mines, était déterminé non seulement à fermer l’industrie, mais aussi à détruire les communautés qui en vivaient. Bien que l’esprit de solidarité des mineurs soit toujours présent, il y a aussi de l’insatisfaction et un manque d’espoir. Dans cette région arrivent des réfugiés syriens traumatisés par la guerre, chargés de sentiments négatifs. La plupart ne parlent pas l’anglais. Comment font-ils face à la situation et comment ces deux groupes trouvent-ils un moyen de vivre ensemble ? Et le peuvent-ils ? C’est toute la question de ce film.

Paul Laverty : Oui, ce qui est fascinant, comme Ken l’a mentionné, c’est que depuis la grève des mineurs de 1984, beaucoup de ces communautés ont été oubliées, aliénées. Et quand vous allez leur rendre visite aujourd’hui, vous voyez qu’elles ont perdu tout ce qui fait fonctionner une ville, une communauté : la bibliothèque, l’église, le pub, les façades de magasins sont barricadées. C’est une grande tragédie. Il y a beaucoup de communautés en grande difficulté mais en même temps, nous avons encore ce grand et glorieux passé. Il y a donc aussi beaucoup d’espoir dans cette histoire. Du moins, je l’espère.

Comme souvent dans votre cinéma, tout repose sur les personnages. Cette fois, le pub en est un aussi, non ?

Ken Loach : Paul écrit toujours des personnages complexes. Le vieux pub est le lieu public central, le bar du centre du village. Et l’homme qui le tient est un ancien mineur, un militant qui a œuvré pour le rassemblement des gens. Après l’achat du pub, le village s’effondre, et ses espoirs s’amenuisent. Il voit les décombres autour de lui et il lui est très difficile de rester optimiste dans ces circonstances. D’une certaine manière, c’est un homme résigné à une situation d’échec.

 

Avec ce film, nous voulions élargir le sujet à la notion d’espoir. Comment les gens parviennent-ils à construire, ensemble et malgré tout, une vie décente ?

En quoi le film donne-t-il un nouvel éclairage sur le système britannique?

Paul Laverty : Je pense qu’il est intéressant de voir comment ce film se rattache à nos deux précédents. C’est en fait la clé pour comprendre comment nous en sommes arrivés à un monde où il y a eu I, Daniel Blake et Sorry we missed you. Comment est-on passé d’une organisation cohérente de la classe ouvrière au monde des Applis de Sorry we missed you, où les gens travaillent jusqu’à quatorze heures par jour ? Comment ce changement de paradigme s’est-il produit ? Comment en arrive-t-on à des gens comme Daniel Blake, ouvrier compétent désormais systématiquement maltraité par un système bureaucratique ? Cela fait partie d’une politique. Il faut revenir en arrière, à 1984, et voir ce qu’il s’est passé dans le monde de The Old Oak pour essayer de démêler cela.

Ken Loach : En effet, et avec ce film, nous voulions élargir le sujet à la notion d’espoir. Où les gens le trouvent-ils ? Comment parviennent-ils à construire, ensemble et malgré tout, une vie décente ?