Entretien avec Lily Gladstone, membre du Jury des Longs Métrages

Lily Gladstone

Il y a un an, sa performance éblouissante aux côtés de Leonardo Di Caprio dans Killers of the Flowers Moon, le long métrage de Martin Scorsese, la propulsait sur le devant de la scène. Depuis, les projecteurs n’ont cessé de se braquer sur Lily Gladstone, qui a décroché un Golden Globe et une nomination aux Oscars pour ce rôle. L’actrice amérindienne évoque sa vision de son métier.

 

Vous revenez à Cannes un an tout juste après avoir épaté tout le monde avec votre performance dans Killers of the Flowers Moon. Quel bilan tirez-vous de l’année écoulée ?

J’ai passé une partie de l’année dernière sur le piquet de grève des acteurs et une autre sur les tapis rouges ! L’accueil qu’a récolté le film à Cannes a été incroyable et aurait été à lui seul suffisant pour nourrir ma fierté tout au long de l’année. Mais la promotion du film ne s’est arrêtée que tout récemment. Je suis très fière de la vie qu’a eue ce long métrage et qu’il continuera d’avoir, car je pense qu’il résistera vraiment à l’épreuve du temps.

 

De quelle manière cette année faste vous a-t-elle changé ?

Je ne sais pas si j’ai changé, mais ma vie a effectivement changé de manière assez incroyable. Le plus important, c’est que Killers of the Flower Moon a ouvert les yeux à de nombreuses personnes sur l’histoire qu’il déploie. Je constate aussi qu’il y a désormais un appétit pour davantage d’histoires avec des femmes autochtones qu’auparavant.

 

Un autre chapitre s’ouvre maintenant à vous avec ce jury…

C’est vrai. Il m’offre l’opportunité de me replonger enfin dans la créativité. Lorsque vous faites la promotion d’un film, il y a un certain niveau de créativité que vous n’avez pas l’occasion d’exercer ou d’exprimer.

 

Remontons le temps : comment le cinéma est-il arrivé jusqu’à vous ?

Mes parents adoraient le cinéma et quand j’étais enfant, ils m’ont fait découvrir énormément de films. J’étais complètement fan de Willow (1988), le long métrage de Ron Howard, produit et co-scénarisé par Georges Lucas. Je me souviens avoir adoré l’univers du film. Ce serait fantastique si Ron Howard et George Lucas décidaient de collaborer à nouveau ensemble.

 

Devenir actrice était une évidence pour vous à l’époque ?

Oui, et je pense que c’était tout aussi évident pour mes parents. Ils ont constaté que j’étais une enfant qui aimait jouer. Je crois que beaucoup ont vus que j’aimais attirer l’attention d’une salle avant même avant que je ne joue à interpréter des pièces de théâtre. C’était un exutoire pour toute cette énergie performative qui était en moi. Mes parents ont été incroyablement encourageants tout au long de ma vie, même lorsque je pensais plus y parvenir.

 

“ Le plus important, c'est que nos personnages nous surprennent ”

Quels aspects un scénario doit-il comporter pour vous convaincre d’endosser un rôle ?

De l’espace. Lorsque j’aborde un scénario, je me pose toujours ces questions : le film donne-t-il à son personnage et à son histoire suffisamment d’espace pour respirer et s’épanouir ? Donne-t-il suffisamment d’espace à son public ? Le manque d’espace, c’est ce que je remarque très vite dans les films qui ne me respectent pas en tant que spectateur, qui sont trop explicites ou qui ont la main trop lourde. J’aime vraiment les films qui s’étendent et créent.

 

Est-il important, d’après-vous, lorsqu’on est comédien, de se confronter à des personnages qui se situent hors de sa zone de confort ?

Oui. J’ai été une enfant qui débordait d’énergie, mais j’interprète des personnages qui exploitent et métabolisent beaucoup de choses d’une manière minimaliste. Je pense que le plus important, c’est que nos personnages nous surprennent, qu’ils nous apprennent quelque chose sur un aspect de nous-mêmes, mais aussi et surtout sur l’humanité.

 

Un exemple ?

Pour mon rôle dans Fancy Dance, le film d’Erica Tremblay, je craignais de ne pas réussir à rencontrer le personnage. Je n’étais pas certaine de pouvoir me montrer à la hauteur, mais ce personnage faisait partie du monde si magnifiquement, que cela n’a pas été le cas. Cela m’a rappelé qu’il n’y a aucun mal à se sentir mal à l’aise et qu’il est normal de ne pas avoir l’impression de maîtriser à 100 % ce que l’on fait. Les histoires et les personnages ont leur propre animisme qui, d’une manière ou d’une autre, s’accrochera à vous si vous leur laissez de l’espace.

 

S’agissant des rôles avec dialogues confiés aux acteurs et actrices autochtones, la presse américaine a espéré un « Lily Gladstone effect » après votre nomination aux Oscars. Où en est-on aujourd’hui ?

Comme je l’ai dit, je crois qu’un appétit s’est créé. Les gens ne savaient même pas que ces personnages leur manquaient, et maintenant ils veulent en voir plus. Je pense que la situation commence à s’améliorer. Je suis très enthousiaste pour la suite. Je suis persuadée que beaucoup de projets en cours de développement ont une place pour d’autres femmes autochtones de cette industrie. L’un de mes objectifs est de faire découvrir de nouveaux talents, mais aussi de revitaliser des talents qui sont là depuis bien plus longtemps que moi et qui méritent eux aussi d’être sous le feu des projecteurs.