Les Damnés, le regard de Roberto Minervini
Après The Other Side (2015), Roberto Minervini revient au Certain Regard et questionne le sens de l’engagement dans The Damned (Les Damnés), un film qui plonge le spectateur en pleine guerre de Sécession, aux côtés d’une compagnie de volontaires envoyée à l’Ouest des États-Unis pour effectuer une patrouille dans des régions inexplorées.
Qu’est-ce qui vous a incité à travailler sur ce film ?
La guerre est une constante dans le discours politique américain contemporain et je voulais examiner la façon dont elle est représentée. J’ai un réel problème avec les tropes, qui sont largement utilisés dans les films de guerre : l’héroïsme, l’identité nationale, la vengeance, le sacrifice pour une bonne cause et la diatribe générale du « bien contre le mal ». Je les trouve politiquement dangereux et trompeurs. C’est pourquoi, il y a quelques années, j’ai commencé à réfléchir à une approche différente de la représentation de la guerre, en me concentrant sur les individus plutôt que sur l’ensemble. Ce fut le point de départ du processus cinématographique.
Comment définiriez-vous votre approche de la réalisation ?
Mon approche de la réalisation varie d’un film à l’autre. Cependant, un élément constant est le fait que je veux que les acteurs habitent le plateau, et pas seulement qu’ils le visitent pendant les heures de travail. Pour Les Damnés, nous avons créé un camp permanent où les acteurs passaient toute la journée, qu’ils tournent des scènes ou non. Ils étaient libres d’allumer un feu de camp, de faire du café ou de préparer de la nourriture, en fonction de leurs besoins et de leur volonté, sans que je les guide. Cela a contribué à créer un environnement de travail très communautaire, qui a renforcé le sentiment de camaraderie entre les acteurs et leur a permis de prendre part au processus créatif. Mes films sont expérimentaux et immersifs, et le voyage se déroule au fur et à mesure que nous le vivons ensemble.
Un mot sur vos acteurs ?
Mes acteurs ne sont pas issus d’un processus de casting traditionnel. Je les ai recherchés et choisis non seulement en fonction de leur talent d’acteur et de leur répertoire, mais aussi de leurs capacités intellectuelles. J’avais besoin qu’ils soient capables de contribuer activement au développement de l’histoire, de la pousser au-delà de ce que j’avais déjà conçu et écrit. Parmi eux se trouvent des historiens, des artistes visuels et des écrivains.
Qu’avez-vous appris au cours de la réalisation de ce film ?
Même si je le savais déjà, la réalisation de ce film m’a rappelé à quel point cette forme d’art peut être exigeante sur le plan physique. Le tournage a été éreintant. J’accorde beaucoup d’importance à l’aspect physique de mon travail, car le fait de repousser les limites de ses propres capacités physiques procure un sentiment d’intrépidité. Plus je franchis ces limites, plus je me sens libre.
Qu’aimeriez-vous que les spectateurs retiennent de votre film ?
Peut-être la façon dont mon film démonte la masculinité toxique, qui est très présente dans le cinéma de guerre et la culture de la guerre en général.
Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet ?
Ce sera un film italien. Je retourne à mes racines. C’est tout ce que je peux dire pour l’instant.