L’illustre Monte Cristo vu par Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière

LE COMTE DE MONTE-CRISTO

Un an après la sortie en deux volets des Trois Mousquetaires, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière mettent en scène Le Comte de Monte Cristo incarné par Pierre Niney et présenté Hors Compétition. Entretien avec le duo de scénaristes et réalisateurs fasciné par l’œuvre romanesque d’Alexandre Dumas.

À la différence des Trois Mousquetaires, que vous avez adapté pour Martin Bourboulon, vous vous emparez cette fois de la réalisation. Qu’est-ce qui a guidé votre mise en scène ?

Alexandre : Ce livre voyage à travers un certain nombre de genres littéraires. Il y a de la tragédie, de la romance, une grande histoire romantique. On s’en est rendu compte sur le tournage. On ne creusait jamais le même sillon avec l’équipe. On passait de scènes d’intérieur à des séquences épiques, de scènes d’aventures à d’autres plus sombres. On est allé dans quelque chose de baroque d’une certaine manière.

Matthieu : Monte-Cristo crée une arène, un théâtre de faux-semblants, un décor dans lequel il tend ses pièges. C’est un metteur en scène. On a demandé à nos équipes de ne pas être obsédées par l’époque mais d’être dans un 19e siècle fantasmé, puisqu’au fond, c’est un homme à la fortune sans limites et donc il fallait donner libre cours à cet imaginaire.

 

Quelle résonance avec notre époque avez-vous trouvée dans cette histoire de vengeance ?

Alexandre : C’est une histoire très accessible parce qu’on fait corps avec ce personnage et qu’on a envie de se venger avec lui. Mais au fur et à mesure, il dérive. Il y a une critique très sévère du parcours de Monte-Cristo par Dumas, ce qui permet au spectateur de faire ce voyage introspectif avec lui. Dans ce monde qui était violent et qui ne l’est pas tellement moins aujourd’hui, on a trouvé que cette idée de vengeance n’avait pas pris une ride.

Matthieu : Je pense aussi que le roman de Dumas est aux prémices de la révolution industrielle, à une époque et dans une société moins aristocratique, où la naissance était en passe de devenir moins importante que l’argent. Et l’autre élément intéressant, c’est que Monte-Cristo est un homme qui n’a ni religion, ni pays, ni morale. Ce n’est pas Robin des Bois. Il trouve un trésor, et au lieu de le distribuer, il le garde pour assouvir son désir de vengeance.

 

Quels ont été les choix d’adaptation pour ne pas trahir la narration ?

Matthieu : Quand on s’attaque à de telles œuvres, on est décomplexé par leur force et leur longévité. Le livre existera toujours alors autant se l’approprier. On remarquait souvent, en parlant de Monte-Cristo, que les gens en avaient un souvenir transformé. Par exemple, très peu étaient capables de nous dire ce qui se passait dans la deuxième partie. Concrètement, Monte Cristo se vengeait, mais personne ne savait nous raconter les péripéties.

 

Le casting paraît évident mais les choix ont-ils été si simples ?

Alexandre : On s’est dit qu’on ne pourrait pas écrire notre Monte-Cristo sans avoir un acteur en tête alors qu’on avait toujours refusé de travailler ainsi. On a appelé Pierre Niney, on a pris un café avec lui et il a accepté. On a commencé à inventer cette histoire, avec l’idée de faire du personnage de Monte-Cristo un avatar de Dantès en le radicalisant, puis on a travaillé en faisant des allers-retours réguliers avec Pierre. Ensuite, on a eu beaucoup de chance car on avait établi une liste rêvée d’acteurs et ils ont tous accepté de monter sur ce plateau.

Matthieu : Il nous fallait des acteurs de premier ordre pour que ce texte, fidèle à la langue du 19e siècle, trouve une forme de modernité et de fluidité dans cette époque fantasmée. On ne s’est jamais dit qu’on faisait un film d’époque mais on n’a pas voulu moderniser les dialogues à outrance. On a demandé aux acteurs de ne pas faire d’élisions par exemple et on a travaillé cette fluidité. La musique était tellement belle avec eux que ça sonnait de manière très moderne.