Rendez-vous avec… Valeria Golino

Rendez-vous avec... Valeria Golino © Valery HACHE / AFP

Elle a joué dans 150 films, et présenté deux œuvres à Cannes, dont Miele (2013), son premier film derrière la caméra, et Euforia (2018). Valeria Golino a trouvé au moins une vingtaine de raisons d’adapter à l’écran le chef d’œuvre de l’Italienne Goliarda Sapienza. En salle Buñuel, la projection du premier des six épisodes de sa série L’Art de la joie, adaptation en série du livre de l’Italienne, a été suivie d’une conversation avec la journaliste Guillemette Odicino. Morceaux choisis.

 

« Parfois je pense qu’il faut la manipuler la joie, la provoquer pour qu’elle arrive ».

 

Le livre de Goliarda Sapienza

L’histoire a été écrite entre 1967 et 1976. Goliarda est un peu comme le personnage de Modesta dans son écriture. Elle est désobéissante, a un style très original qui peut plaire ou ne pas plaire. Sa musique est très gracieuse, elle parle au premier et deuxième degré, a une liberté incroyable dans l’écriture. Elle est aussi le désordre. Goliarda n’a jamais vu son livre publié, et ce fut une grande douleur. Modesta change, elle est mille personnages, mille caractères dans un, je pense car Goliarda a eu beaucoup de temps pour les travailler. Le livre est très torturé, il parle de pansexualité, de la toxicité de la famille…

Le personnage principal de Modesta, joué par la jeune Tecla Insolia

Modesta est un personnage féminin unique en littérature, elle désobéit à toutes les règles. Elle est puissante, n’est pas toujours dans le bien. Il est très important de mettre en lumière quelqu’un qui a tort, elle est « libre dans son tort ». Dans les grands romans, ce sont toujours des personnages uniquement masculins. Et cette histoire est universelle, installée en Sicile en 1900, elle parle de l’être humain. Pour toutes ces raisons je voulais raconter ce personnage. Modesta est un être humain qui ne s’embarrasse pas de culpabilité, et ça, c’est une énorme force.

Adaptation en série de L’Art de la joie 


« Je connais tellement mon film par cœur que j’en vois tous les défauts, c’est la première fois que je le vois en présence d’un public ».

 

C’était très difficile à adapter. Son histoire est filtrée par moi, car Goliarda est beaucoup plus avancée que moi. C’est autre chose que le cinéma, c’est incroyablement excitant et différent, j’ai pris des libertés jamais prises auparavant au cinéma.

On a travaillé à trois puis à cinq pendant un an et demi pour essayer de trouver un langage divertissant. Avec les séries il faut raconter, il faut une structure qui porte les événements. Il y aussi mon monteur avec qui j’ai fait tous mes films, or le montage c’est une réécriture, le film te parle, demande des choses pendant que tu le montes. C’est comme un animal vivant, j’ai beaucoup appris en faisant cette série.

De l’interprétation à la réalisation

J’ai eu la chance de beaucoup travailler dès mes 17 ans. J’ai toujours aimé le cadre, le point de vue des auteurs, et j’ai eu la chance de travailler avec de grands metteurs en scène, des acteurs magnifiques. C’était une passion pour moi de les observer. J’ai fait mon premier film à 45 ans, car j’avais le syndrome de l’imposteur donc je m’y suis mise trop tard. Je ne me l’autorisais pas, ne me trouvais pas assez bien. J’aurais voulu commencer avant, j’ai eu une sorte de pudeur.

Les sujets de ses films

Miele aborde l’euthanasie, Euforia (Un Certain regard, 2018) est une confrontation entre deux frères : les personnages de mes films, ceux qui m’intéressent, ont toujours une sorte de problème éthique qui les dépasse. Ils ont toujours le doute d’être en tort. Tu peux même les détester si tu veux. Ce sont des films qui font ressortir mes doutes, qui n’ont d’ailleurs rien de définitifs, je ne veux pas donner de leçons. J’essaie de faire des films à la fois lourds et légers.

Décors et acteurs

J’adore filmer mes acteurs, j’adore la beauté, les corps. Il y a mille façons de diriger les acteurs. Dans le rôle de la Mère supérieure, on retrouve l’actrice de Miele, Jasmine Trinca, et Tecla Insolia, qui joue Modesta, est un cadeau. Quant aux décors, je les voulais beaux, car dans le livre les descriptions sont tellement brillantes, tellement charnelles. Je voulais transmettre cette lumière.