Jeunes mères : entretien avec les frères Dardenne

JEUNES MÈRES © Christine Plenus

Elles sont cinq : Jessica, Perla, Naïma, Ariane et Julie. Cinq adolescentes confrontées au grand chamboulement de la maternité. Les frères Dardenne tracent l’itinéraire de ces Jeunes Mères dans leur neuvième film en Compétition. Rencontre avec les lauréats de deux Palmes d’or.

Peut-on dire que ce film est plus lumineux que vos précédents ?

Luc Dardenne – Nous avons voulu raconter cinq histoires, celles de cinq jeunes filles qui se libèrent d’un destin, d’une prison, chacune à sa façon. C’est peut-être pour cela que le film est plus lumineux. Il y a aussi la musique, qui intervient à un moment et qui apporte une lumière qu’il n’y avait pas dans les deux derniers films.

L’autre nouveauté tient au nombre de personnages principaux. Comment est venue l’idée d’en réunir cinq ?

Jean-Pierre Dardenne – Elle est venue parce qu’on est allés dans cette maison maternelle. À l’origine, nous voulions raconter une autre histoire, celle d’une jeune fille, Jessica, qui vivait dans une maison maternelle et qui ne ressentait rien pour son enfant. On marchait dans nos pas, en quelque sorte. Puis nous nous sommes documentés sur les maisons maternelles, nous sommes allés sur place, et le fait d’avoir vu comment se déroulait la vie dans cette maison, c’est comme si le lieu nous avait dit : « Les amis, et si vous racontiez nos histoires ? »

Luc Dardenne – Au bout du compte, il y a un côté « course relais », même si ce sont cinq histoires. Une fille nous embarque dans son histoire, et c’est comme si elle prenait le témoin en partant.

Et cette thématique de la maternité, en quoi vous était-elle chère ?

Luc Dardenne – Pourquoi nous nous sommes intéressés à une jeune mère, à quelqu’un qui a des difficultés à ressentir le lien avec son enfant et qui le découvre progressivement ? C’est difficile à dire. C’est peut-être filmer la naissance, la fragilité de la vie, le lien entre deux êtres humains, pour que quelqu’un puisse grandir — c’est-à-dire l’enfant. C’est une chose précieuse pour les êtres humains.

Ce film met en scène une forme de sororité…

Luc Dardenne – C’est vrai que nous, les hommes, avons tendance à mettre en scène les femmes dans leur rivalité. Erreur ! Ici, nous nous intéressons plutôt à l’entraide entre ces jeunes mères, mais aussi au secours qu’elles reçoivent des assistantes, des psychologues, de la directrice, des éducatrices — toutes ces personnes qui sont là pour elles.

Quel a été l’enjeu, au tournage, entre les jeunes actrices et les bébés ?

Jean-Pierre Dardenne – Un enfant qui pleure, qu’il faut déposer, ce sont des choses que nous avons intégrées, et qu’elles ont intégrées rapidement à leur jeu. Ça donne un tempo, un rythme complètement différent. Quelque chose qui apparaît, comme ça, qui fait partie de la vie et qui impose son rythme.