Rencontre avec Vincent Maël Cardona pour Le Roi Soleil

LE ROI SOLEIL

Quatre ans après son César du meilleur premier film pour Les Magnétiques, Vincent Maël Cardona présente Le Roi Soleil en Séance de Minuit, avec Pio Marmaï et Lucie Zhang. Ce huis clos dans un bar PMU de Versailles voit les protagonistes échafauder les scénarios les plus fous pour récupérer le ticket gagnant du loto d’un vieil homme décédé au petit matin.

Comment vous est venue l’idée de ce film?

La loterie comme fait social m’a toujours intéressé. Nous vivons dans des sociétés très largement organisées autour de l’argent, or la loterie incarne le mythe de la redistribution des cartes. C’est la croyance qu’il est possible de renverser la table, d’échapper au déterminisme en cochant des numéros au hasard. Ce qui m’intéresse là-dedans, et qui pour moi fait un film, c’est précisément cette notion de croyance. La simple existence de la loterie – avec ses promesses et sa cohorte d’heureux gagnants – suffit : j’ai le droit de croire. Cette suspension volontaire de l’incrédulité rend la fiction possible. La question de savoir si c’est vrai ou faux importe moins que celle de la vraisemblance. D’où ce film, où des personnages confrontés au mythe de la loterie vont être amenés à élaborer une fiction et évaluer si celle-ci est vraisemblable ou non.

Que dit ce film de notre époque ?

De l’avis général, nous vivons une époque étrange, inquiétante, mais aussi infiniment riche de possibilités nouvelles. Ce qui est frappant, c’est à quel point les digues morales et politiques censées contenir la puissance de l’argent semblent sauter les unes après les autres, comme si nous acceptions de nous donner à l’argent. Le film voudrait parler de ça : des personnages qui nous ressemblent, bien moins forts et structurés qu’ils ne le pensent. Ils se dépatouillent comme ils peuvent face à la double emprise de l’argent et de la fiction et se font un film avant d’en devenir progressivement les victimes.

Comment avez-vous atteint une telle synergie entre vos interprètes ?

À la lecture, nous avons beaucoup ri et je me souviens qu’une bonne partie de ces éclats de rire provenait de l’idée qu’on allait quand même tenter quelques trucs pas évidents… Sur le tournage, les interprètes, les techniciens, personne n’était très au clair sur la manière dont les choses allaient finir par s’assembler. Et si, au bout du compte, on ressent une forme de synergie dans le film, alors peut-être que cela vient de cette confiance un peu aveugle mais joyeuse qu’il y avait entre nous.

Quel défi a représenté la multiplicité des points de vue dans votre récit, à l’écriture comme au montage ?

À l’écriture, la principale difficulté a été de trouver le bon équilibre entre la progressive déréalisation vécue par les personnages, leur propre perte de repères, et la nôtre en tant que spectateur. Le film joue en permanence autour de la question de l’invraisemblance, les personnages passent leur temps à se demander si ce qu’ils se racontent est crédible. Or le film étant lui-même progressivement contaminé par les fictions des personnages, cette problématique de l’invraisemblance se pose à lui. Et donc à nous. Loin de chercher à dépasser cette difficulté, nous avons cherché à jouer avec elle lors du montage. L’idée est de flirter avec ce qui conduit à se nourrir si avidement de fictions dans nos vies de tous les jours : notre volonté de croire pour croire.