Restauration de Merlusse : rencontre avec Nicolas Pagnol
Depuis 2007, il se bat pour redonner vie au catalogue de son grand-père : Nicolas Pagnol a coordonné entre 16 et 18 restaurations de ses films, dont celle de Merlusse (1935), présenté à Cannes Classics, 70 ans après la présidence de Marcel Pagnol à la tête du Jury des Longs Métrages. Entretien.
Quelle place avait Merlusse dans la filmographie de Marcel Pagnol ?
Tourné en 1935, Merlusse est le premier scénario original écrit par Marcel Pagnol pour le cinéma. Ce film est sa quatrième réalisation et marque sa deuxième collaboration avec Henri Poupon, qui incarne le personnage de Merlusse. Je pense qu’il tenait beaucoup à ce film, car ce n’est pas anodin qu’il ait choisi le lycée Thiers à Marseille comme décor. Il y avait étudié, notamment aux côtés de son copain d’enfance Albert Cohen, et le lycée est véritablement un personnage à part entière du film.
Qui était Henri Poupon, qui joue Merlusse ?
Henri Poupon était, d’après ce que m’en a dit ma grand-mère Jacqueline, un homme formidable. Il venait du cabaret, était chansonnier, très fin, très drôle. Il commence sa carrière cinématographique avec mon grand-père dans Jofroi, en 1933. Par la suite, il tourne dans pratiquement tous ses films. Je trouve que c’est un acteur formidable — revoyez-le dans Naïs (1945) ! D’ailleurs, Raimu a toujours refusé de tourner avec lui ; je pense qu’il se méfiait un peu de son talent. À savoir que Marcel disait de lui qu’il aurait pu avoir une carrière extraordinaire s’il avait été moins fainéant. Marcel racontait lui avoir proposé un premier rôle en or en Amérique, et Poupon lui aurait répondu que l’été approchait, que les filles étaient en jupe, et qu’il se devait donc de décliner la proposition.
Avez-vous eu des échos du tournage ?
Oui, le tournage s’est bien passé. En revanche, Marcel avait fait développer par Philips un système d’enregistrement sonore pour le Studio Pagnol, parce qu’il en avait assez de travailler avec Western Electric. Cela avait coûté une fortune. Donc il tourne Merlusse et Cigalon (1935) mais, comme au développement ce n’était pas convaincant, il a dû retourner les deux films et modifier son système d’enregistrement, qui a fini par fonctionner.
Pouvez-vous nous parler de la restauration du film ?
On est partis du négatif original, sur une bobine où le négatif était complètement décomposé. Mais grâce au talent de Guillaume Schiffman, qui s’occupait de l’étalonnage, ça ne se voit pratiquement pas. Et l’équipe de TransPerfect Media a fait un très beau travail : elle a réglé une à une les problématiques liées à ces films, à savoir des champignons, des manques de gélatine, des colures éclatées. Et Dieu sait que le négatif était abîmé ! Le son aussi est toujours un grand défi dans le cinéma de mon grand-père. On a eu beaucoup d’échos, parce qu’on se retrouve dans ce grand lycée vide, et donc ça résonne beaucoup. Il a fallu contenir un peu tout ça.