Les petites histoires derrière les affiches officielles du Festival de Cannes

Ces vingt dernières années, le Festival a célébré le cinéma de la manière la plus éclatante qui soit : en utilisant des images incontournables de chefs-d’œuvre du 7^e art comme support de ses affiches.

En 2006, c’est un cliché du photographe hongkongais Wing Shya sur le tournage d’In the Mood for Love de Wong Kar-Wai, présenté en Compétition en 2000, qui est sélectionné. L’actrice italienne Monica Vitti, sublime dans L’Avventura de Michelangelo Antonioni (Prix du Jury en 1960), apparaît de dos sur l’affiche de la 62^e édition, en 2009. Les longs-métrages de Jean-Luc Godard offrent au Festival de Cannes deux affiches emblématiques, à seulement deux ans d’écart : en 2016 avec une scène du Mépris dans laquelle Michel Piccoli gravit les marches le séparant de Brigitte Bardot, et en 2018 avec un baiser tiré de Pierrot le Fou. Et pour la 75^e édition, en 2022, Jim Carrey effleure du bout des doigts les limites de l’univers factice du Truman Show de Peter Weir.

Depuis les années 1990, le Festival de Cannes met volontiers en valeur des icônes féminines du cinéma sur ses affiches. La première d’entre elles fait son apparition en 1992 avec l’actrice Marlène Dietrich, visage de la 45^e édition.

Lui succéderont les actrices Monica Vitti en 2009, Juliette Binoche en 2010, Faye Dunaway en 2011, Marilyn Monroe en 2012, Ingrid Bergman en 2015 et Claudia Cardinale en 2017. Agnès Varda, photographiée sur le tournage de La Pointe courte en 1954, deviendra pour sa part le phare inspirant de la 72^e édition, en 2019. Chez les hommes, seul Marcello Mastroianni reçoit l’honneur de faire la une du Festival, en 2014.

En 2007, pour le 60^e anniversaire, ce sont neufs grands noms du cinéma qui se partagent l’affiche : Pedro Almodovar, Juliette Binoche, Jane Campion, Souleymane Cissé, Penélope Cruz, Gérard Depardieu, Samuel L. Jackson, Bruce Willis et Wong Kar-Wai inventent la « new jumpology », dans un cliché hommage au photographe Philippe Halsman.

Par trois fois, le Festival de Cannes a retenu pour son affiche officielle la photographie d’un baiser en guise de déclaration d’amour au cinéma : celui échangé entre Cary Grant et Ingrid Bergman dans Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock en 1993, celui de Paul Newman et Joanne Woodward dans La Fille à la casquette de Melville Shavelson en 2013 et celui d’Anna Karina à Jean-Paul Belmondo dans Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard en 2018.

En 1982 puis 1994, les affiches du Festival de Cannes reprennent des œuvres crayonnées de Federico Fellini. Le maestro a failli devenir dessinateur dans sa jeunesse, et il a conservé tout au long de sa vie l’habitude de croquer ses rêves, ses lubies, les personnages et les décors de ses films. L’affiche de 2003, qui joue sur la typographie pour clamer « Viva il cinema », lui rend également hommage.

En 1983, on doit aussi l’affiche au coup de crayon talentueux d’un immense réalisateur, qui n’est autre qu’Akira Kurosawa.

Si depuis 2005, toutes les affiches du rendez-vous cannois sont composées à partir de photographies, le premier cliché n’est utilisé qu’en 1973 : les vagues de la plage de la Croisette servent de cadre à la 26^e édition.

La tradition de l’affiche illustrée a longtemps perduré au Festival de Cannes : sur un total de 75 affiches dévoilées au fil de son histoire, 45 sont peintes ou dessinées (soit 6 sur 10), avec des œuvres créées spécialement pour l’occasion par A.M. Rodicq, Jean-Denis Maillart, Jouineau et Bourduge ou Wojciech Siudmak.

En matière de teintes, la préférence du Festival de Cannes va indéniablement aux couleurs primaires. Le bleu s’étale sur plus de la moitié de ses 75 affiches, talonné par le rouge puis le jaune.

L’élégance du noir et blanc a été privilégiée à 14 reprises, souvent pour des affiches tirées de photogrammes.

Impossible en revanche de trouver une affiche où le vert domine : dans le monde du spectacle, la couleur est réputée porter malheur.

La baie de Cannes est la première des sources d’inspiration pour les affiches du Festival : la mer apparaît 10 fois, le ciel 11 fois, les étoiles 7 fois.

La bobine de film est l’objet le plus représenté. Elle est mise en scène à 17 occasions, contre 7 par exemple pour la caméra.

Les drapeaux font régulièrement office d’emblème pour les premières éditions, rappelant le temps où les films en Compétition étaient proposés par leurs pays d’origine.

La Palme d’or, mise en vedette sur 7 affiches, l’emporte de loin sur le tapis rouge, qui n’y est représenté que 2 fois.